avec des informations de Jonathan Semah

Au début de l’année 2024, Haïti connaissait de nouvelles tensions plongeant une partie du pays dans une guerre de gang. Plus de 700 000 Haïtiens ont été poussés à quitter leur maison. Parmi eux : Ludia Osia et sa famille, arrivée au Manitoba il y a quatre mois.  

Mars 2024 : des gangs prennent d’assaut les deux plus grandes prisons du pays, l’hôpital de l’Université d’État d’Haïti est contraint de fermer ses portes en raison des affrontements, l’aéroport Toussaint-Louverture est encerclé, Ariel Henry, premier ministre haïtien, qui n’est ni élu ni nommé, est forcé de démissionner. 

Depuis les affrontements ne semblent pas se calmer et le quotidien de plusieurs Haïtiens est rythmé par la peur. Voyant la vie se détériorer, Ludia Osia ne voit pas d’autres choix que celui de fuir le pays. « La vie à Haïti n’était pas facile. J’ai passé toute ma vie en Haïti sans jamais me déplacer. Un jour, les bandits ont débarqué dans mon quartier. Ils ont commencé à tirer des coups de feu au beau milieu de la nuit. Nous n’avions pas le choix que de nous déplacer. Nous avons laissé notre maison pour nous réfugier dans ma ville natale, Jacmel. »

Quel avenir pour les enfants?

Si une grande partie des conflits se situe à Port-au-Prince, quelques régions sont épargnées. « À Jacmel, les bandits ne sont pas encore arrivés. Il y a des gangs dans d’autres villes de province autre que Port-au-Prince, comme à Gonaïves. »

Bien consciente que la situation pourrait encore s’empirer, Ludia Osia et son mari pensent à quitter le pays. « Au moment où nous avons vu que les problèmes commençaient à prendre de plus en plus d’importance, nous avons pris la décision de quitter Haïti. C’était une question de sécurité et de donner une chance à nos enfants. Quel aurait été l’avenir de nos enfants?

« Nous sommes venus tous les cinq. Mon mari, mes trois enfants (six ans, trois ans et un an) et moi. À leur façon, les enfants savent qu’en Haïti il y a des problèmes. Ils étaient contents de quitter le pays. Parce que pour eux, c’était aussi difficile de vivre là-bas, ils ont dû abandonner leur école parce que plus rien ne fonctionne. »

Neuf jours de voyage

Cependant, malgré les confirmations de résidence permanente, le voyage pour se rendre au Canada n’est pas aussi simple. « Au moment où nous avons eu nos confirmations de résidence permanente, la capitale, Port-au-Prince a été fermée. C’est seulement à partir de Port-au-Prince où il y a un vol direct pour le Canada. »

La famille doit donc voyager plusieurs jours pour enfin poser les pieds en sol manitobain. « Nous sommes partis de Jacmel pour prendre un vol interne pour ensuite aller dans une île voisine : Providencia. De là, nous avons pris un vol vers Toronto et ensuite direction Winnipeg. Au total, c’est un voyage de neuf jours. »

Si le premier sentiment est celui du soulagement, Ludia Osia pense à ceux qui sont restés au pays. « Nous avons eu de la chance de pouvoir quitter. Mais je pense encore à mes parents, mes tantes, mes frères et sœurs, à mes amis qui sont restés. J’espère que certains pourront nous rejoindre. J’ai des nouvelles régulièrement. Mais l’avenir est tellement incertain. Je ne vois pas d’issue à ce qui se passe. »

Une nouvelle vie

Il faut tout de même reconstruire une vie au Manitoba, Ludia Osia est inscrite à Pluri-elles dans plusieurs programmes. « À l’Accueil francophone, on nous a conseillé de venir à Pluri-elles pour commencer une nouvelle vie au Manitoba. 

« J’essaie de m’intégrer dans la vie manitobaine. J’emmène mes enfants dans des activités pour qu’ils puissent socialiser et rencontrer de nouvelles personnes. Grâce à Pluri-elles, j’en apprends davantage aussi sur le Canada. 

« J’ai fait une formation en ergonomie et mon mari a une formation en sciences économiques. On voudrait essayer d’exercer nos professions pour avoir une carrière au Manitoba. Mais en attendant, on va trouver des emplois pour perfectionner notre anglais. »

La plus grande fille de Lusia Osia est inscrite à l’école. Loin d’être naïve, elle pose régulièrement des questions à sa mère sur la situation en Haïti. « Ma plus grande fille est à l’école, elle apprend vite. Elle nous questionne beaucoup sur ce qui se passe en Haïti. Elle écoute nos conversations aussi donc elle entend des nouvelles qui ne sont pas faciles. J’essaie de la protéger au maximum de toutes ces horreurs. »

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