Par Antoine Cantin-Brault.
Si celui-ci a probablement voté avec son « portefeuille » comme certains experts l’ont dit, il n’en demeure pas moins qu’il a élu une personne dont la moralité est fortement discutable. Non seulement Donald Trump a contrevenu à plusieurs lois dans plusieurs États, son comportement, de plus, est moralement douteux, voire tout simplement mauvais. Il ment, il triche, il est misogyne, il est raciste à bien des égards, il a des tendances fascistes très prononcées, il parle sans réfléchir, ses héros sont des gens eux-mêmes moralement plus que discutables et sa vision du monde, paternaliste, est très peu charitable à l’égard des marginalisés.
C’est justement sur l’immoralité de Trump qu’ont pioché les démocrates. Les démocrates avaient ici un archétype : un homme avec des valeurs d’une autre époque qui cherche à faire de son narcissisme une idéologie politique. Il est facile de convaincre qu’il est une mauvaise personne. Très peu de parents voudraient voir leurs enfants prendre Donald Trump pour modèle.
Mais les démocrates ont perdu. Cette défaite nous révèle quelque chose d’important : la séparation de la politique et de la moralité. Voilà une autre différence qui nous distingue du monde antique par exemple. Pour Aristote, la personne qui dirige devait être un exemple de vertu, car, d’une part, elle devait pouvoir l’enseigner à sa population et, d’autre part, il n’y a que la vertu qui puisse rendre véritablement heureux.
Pour Aristote, les régimes fonctionnels le sont car ils ont à leur tête un chef vertueux, et les régimes corrompus le sont car ils ont à leur tête un chef vicieux.
Les États-Uniens viennent de nous montrer que la politique est maintenant bel et bien séparée de la moralité. Ils nous ont montré que les politiciens n’ont pas à être moraux, qu’ils peuvent être des crapules que personne ne voudrait comme ami proche; ils ont seulement besoin de savoir gérer une économie et sécuriser le pays contre l’Autre. À savoir si Trump pourra effectivement atteindre ces buts est une question pour un autre jour. Il faut surtout comprendre que cette séparation entre la politique et la moralité est bien consommée.
Toutes les démocraties ont tendance à créer des séparations (par exemple : séparation entre l’Église et l’État ou encore séparation entre les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire). Il n’est donc pas surprenant d’en voir naître une autre. Cependant, les démocraties créent le plus souvent ces séparations pour se protéger, pour empêcher la montée du pouvoir centralisé. Est-ce que la séparation de la politique et de la moralité servira ou non la démocratie? Nous ne pourrons le vérifier que plus tard.
Une chose est certaine : il faut maintenant être lucide et ne plus chercher de modèles moraux parmi les politicien(ne)s. Leur utilité est ailleurs, ils sont des gestionnaires, que cela nous plaise ou non. Les démocrates auraient dû attaquer Trump sur ses qualités de gestionnaire, et non en tant que personne.