Dès lors que l’on a commencé à développer de nouvelles technologies, en particulier l’intelligence artificielle, l’idée était de se rendre la vie plus facile. Et si, non content de nous rendre la vie plus simple, l’IA pouvait aussi la sauver?
Une étude menée par des chercheurs de Unity Health Toronto semble indiquer que l’IA peut effectivement jouer le rôle d’ange gardien.
Le docteur Amol Verma est clinicien-chercheur à l’hôpital St. Michael’s. Il est aussi professeur de recherche et d’enseignement de l’IA en médecine à la Temerty Faculty of Medecine de l’Université de Toronto.
Le constat au départ est très simple, « dans ma pratique clinique, l’une des choses les plus difficiles est d’identifier le moment où la condition des patients se détériore ».
C’est alors que le docteur et son équipe de recherche se penchent sur le développement d’un outil capable d’anticiper les changements d’état de santé des patients.
« Il y a des outils qui surveillent les patients et sont capables d’identifier une détérioration, mais ces derniers ont été conçus pour détecter la détérioration. Nous avons conclu qu’à l’aide des technologies d’intelligence artificielle émergentes, il serait possible d’être dans la prédiction », plutôt que dans la constatation.
Bien entendu, les bénéfices d’un tel outil sont inestimables. Si le corps médical est averti plus tôt, il est donc en mesure d’intervenir préventivement et finalement pour sauver la vie des patients.
La recherche et le développement débutent en 2017 et c’est ainsi que CHARTWatch a vu le jour. Si à l’époque l’application de l’intelligence artificielle dans le domaine médical était assez rare, il devient de plus en plus répandu selon le docteur Amol Verma.
Comment ça marche?
CHARTWatch est connecté au système informatique de l’hôpital. Il utilise donc les informations saisies dans le dossier médical de chaque patient. Il a donc accès à leur historique médical, mais plus largement à tous les aspects de leur santé qui sont documentés. En plus de cela, les informations de chaque patient, lorsqu’ils sont en soin à l’hôpital, sont actualisées régulièrement par les infir-mières qui prennent, par exemple, le pouls, la tension, la température, etc. Sans parler des résultats d’éventuels examens. En bref, toutes ces données sont traitées par l’IA qui est ensuite capable de prédire quels sont les patients dont l’état de santé pourrait changer dans les 24 ou 48 heures à venir. L’outil peut prédire qui est susceptible de mourir, qui pourrait nécessiter un transfert en soins intensifs, ou un nouveau traitement. « Toutes les heures, il (CHARTWatch) génère une prédiction actualisée sur la base d’une centaine de facteurs différents. »
Et tout cela, sans ajouter quoi que ce soit à la charge de travail du personnel médical.
« L’un des choix que nous avons faits lors du développement de cet outil c’était de faire en sorte qu’il fonctionne exclusivement avec les données collectées dans le système d’information de l’hôpital. De fait, nous n’avons pas de nouvel appareil à poser et rien de supplémentaire à demander aux infirmières. »
Il n’ajoute rien à la charge des docteurs et des infir-mières, au contraire, il permet, comme tout bon outil qui se respecte de les aider dans leur métier.
Un outil au sens propre
« Les professionnels de la santé peuvent alors établir leurs priorités quant à la répartition de leur temps entre différents patients. »
Le clinicien-chercheur poursuit en expliquant que dans la plupart des unités médicales, l’équipe d’un médecin s’occupe d’environ une vingtaine de patients. Les infirmières quant à elles prennent soin de quatre à six patients. « Et on ne peut pas avoir les yeux sur tous nos patients, tout le temps. »
Et dans le cas où la santé d’un patient s’aggrave dans la nuit, au moment où les infirmières ne rendent plus visite aux patients. L’IA peut continuer de surveiller chaque patient.
D’avoir la possibilité de reconnaître et de s’occuper en priorité des patients les plus vulnérables est clairement précieux, d’autant plus dans le contexte de pénurie actuel qui sévit à travers le pays.
Est-ce que ça marche?
Amol Verma, non sans une certaine réserve, indique que « nous disposons de premières preuves prometteuses de son utilité ». Au cours d’une période de 19 mois, une diminution de 26 % des décès inattendus a pu être observée dans les unités où l’outil CHARTWatch a été déployé. « Alors qu’aucun changement n’a été observé là où l’outil n’a pas été utilisé. »
CHARTWatch a été utilisé auprès de 4 023 patients. Parmi ces 4 023 patients, 482 ont été jugés à haut risque par l’outil.
Pour reprendre les termes du docteur, les preuves sont donc prometteuses, il s’agira désormais de tester cet outil au sein d’un réseau d’établissement médical plus large et donc, de bâtir un réseau. « C’est très important, car si nous pouvons avoir des réseaux où nous partageons les données de tous ces hôpitaux, les outils d’intelligence artificielle que nous développons auront plus de chances de fonctionner.
« Si nous disposions de données provenant d’un hôpital français par exemple, nous pourrions les intégrer dans le développement de l’outil afin qu’il fonctionne immédiatement dans un environnement français ou simplement dans un nouvel environnement. »
Aucun établissement Manitobain pour le moment n’est concerné par le projet d’implémentation.