À Steinbach, l’organisme Agape House est un phare dans la nuit, pour les femmes, hommes et enfants victimes de violence familiale.
Que les victimes aient besoin d’un abri, de soutien psychologique ou de soutien tout court, Agape House est là pour aider ces personnes à se sortir d’une situation marquée par la violence, qu’elle soit verbale, physique, sexuelle, émotionnelle ou économique (1).
Au mois de septembre, Agape House a déménagé dans de nouveaux locaux, dont l’adresse ne peut être divulguée pour préserver la sécurité des personnes qui en ont besoin. Lisa Fast, coordonnatrice de l’action sociale et du logement au sein de l’organisme, souligne le fait qu’une grande majorité des services peuvent doré- navant être offerts sur place, à l’exception des services d’hébergement. En effet, les personnes qui en ont besoin sont logées à une autre adresse. Les locaux se composent d’une salle de rencontre, de deux salles de consultations, des bureaux et d’un sous-sol. Les murs de ce dernier sont couverts de boîtes remplies de vêtements donnés par la communauté.
L’une des deux salles de consultations a été aménagée tout spécialement pour y accueillir des enfants « qui ont été témoins ou victimes de violences », précise Lisa Fast. « L’objectif est d’aborder ce sujet avec eux dès leur plus jeune âge. Nous savons que si nous ne nous en occupons pas tout de suite, cela revient souvent les hanter plus tard dans leur vie. »
Sans s’y limiter, les séances de consultations sont là pour aider les personnes victimes à tenter de guérir des traumatismes. « Les consultations auprès des adultes s’adaptent en fonction de l’individu. Nous offrons du soutien pour les accompagner lorsqu’ils quittent le foyer, lorsqu’ils divorcent. Nous pouvons aussi les aider à obtenir des ordonnances de protection et à trouver un nouveau logement. »
De mal en pis
Aujourd’hui, il semblerait que la situation en matière de violence domestique va de mal en pis. C’est le constat que tire Lisa Fast. « Nos chiffres l’année passée ont été les plus élevés jamais enregistrés en 10 ans ».
D’un air grave, elle ajoute comme un coup de grâce que ces chiffres-là ont d’ores et déjà été dépassés de 70 % cette année.
« Je sais que la situation est similaire dans tous les refuges du Manitoba en ce moment. » Entre eux, les différents organismes tentent d’ailleurs de s’entraider pour placer au mieux les personnes qui en ont besoin, mais le constat est sans appel : « Nous manquons tous de place et les besoins augmentent. C’est effrayant. »
Mis à part les refuges opérés par le gouvernement fédéral, il existe 10 refuges qui sont sous le parapluie de Manitoba Association of Women’s Shelters.
Sur l’année 2023-2024, Agape House, qui compte 16 couchages, a été complet toute l’année. « En moyenne, par année, le refuge reçoit 200 victimes et répond à plus de 1 000 appels de crise. »
S’il n’y a pas de limite de temps qui accompagne l’offre d’hébergement. En moyenne, les victimes restent environ un mois. Mais cela est en train de changer.
« En ce moment, avec la crise du logement et le manque de logements abordables, les gens restent beaucoup plus longtemps. » Environ deux mois, précise
Lisa Fast. Précisons tout de même que l’objectif est toujours de laisser aux victimes le temps de se retourner et de trouver un endroit sécuritaire où re- prendre leur vie. En con- séquence, il n’est pas prévu qu’une limite de temps soit instaurée.
La situation est telle, que les organismes qui travaillent en premières lignes se battent pour faire qualifier la violence domestique comme étant une épidémie.
Manque de ressources et facteurs contributifs
Si l’on constate que le nombre de femmes et d’enfants ayant recours à des centres d’aide augmente, il convient alors de s’interroger sur les raisons qui expliquent cette tendance.
Pour Lisa Fast, il existe certainement quelques facteurs contributifs. « La pandémie, le manque de logements abordables ou encore l’inflation. La difficulté d’accéder à de l’aide en santé mentale. »
Les cas de violence au- gmentent, mais surtout, les gens sont de plus en plus sensibilisés et plus aptes à réaliser que ce qu’ils vivent est de la maltraitance. « Ils savent aussi à quel type d’aide ils peuvent avoir accès. »
Même si ce n’est pas toujours évident d’accéder à l’aide nécessaire. C’est en milieu rural que les taux de violence domestique semblent les plus élevés.
Pourtant, la coordonnatrice de l’action sociale et du logement fait valoir que c’est dans ces zones qu’existe un « manque certain de soutien. Et de ressources ».
« Les personnes en zones rurales peuvent se sentir plus isolées, ne pas connaître grand monde ou au contraire avoir peur de croiser des gens qu’ils connaissent. »
Se pose alors plusieurs défis pour quelqu’un qui cherche de l’aide au rural. Notamment celui du transport. « Elles n’ont pas toujours leur propre véhicule. Certaines victimes arrivent parfois sans pièces d’identité, sans compte en banque. »
Aujourd’hui, les refuges de la province arrivent à bout de souffle. Interrogée à propos d’une potentielle solution, Lisa Fast indique que la question doit désormais être saisie par les « échelons supérieurs du gouvernement ».
En tant qu’organisation à but non lucratif, le budget opérationnel d’Agape House provient en partie du gouvernement.
Sur l’année 2024, le budget total de l’organisme était de 1 345 844 $, dont 791 200$ vient du gouvernement provincial. Women’s Shelter Canada contribue aussi largement au budget.
Les dépenses d’opérations la même année s’élevaient à 1 200 184$. Agape House se repose aussi sur les donations et les évènements de levées de fonds. D’ailleurs, le mois de novembre est celui de la sensibilisation à la violence domestique au Manitoba.
Lisa Fast encourage tout le monde à contacter les refuges locaux. À l’approche de l’hiver, ces derniers peuvent avoir besoin de vêtements chauds pour les femmes et les enfants. « Il faut simplement ne pas hésiter à leur demander ce que l’on peut faire pour aider. »
Si vous avez besoin d’aide, la ligne d’urgence d’Agape House est la suivante : (204) 346-0028.
À noter que l’organisation couvre une zone allant de Beauséjour, jusqu’au sud à la frontière américaine, ouest de Winnipeg jusqu’à la frontière ontarienne à l’Est.
(1) La violence économique est la moins bien connue des formes de violence, même si elle est grandement répandue. Une personne qui subit de la violence économique perd son autonomie financière, même si elle travaille à l’extérieur de la maison et qu’elle est bien payée. L’objectif est de créer une dépendance économique.
Elle se traduit par un contrôle financier imposé, une privation des cartes de crédit ou d’identité, une surveillance accrue des dépenses, etc.