Un constat est clair : la prévention des infections sexuellement transmissible (IST) devrait être une question de santé publique.
Dans un rapport d’une quarantaine de pages, l’organisme LetsStopAIDS a questionné 1 105 Canadiens et Canadiennes entre 18 et 24 ans sur leurs habitudes de protection, de détection d’IST ou encore leur rapport à la notion de consentement.
En 2024, seuls 27 % des jeunes sondés affirmaient utiliser un préservatif à chaque rapport. En 2020, ce chiffre était de 53 %. Cette baisse significative de l’utilisation de préservatif vient donc augmenter les risques de contracter une IST ou le VIH.
Yvonne Su, chercheuse principale du rapport, tente de trouver une explication à cette baisse. « Dans la culture populaire, dans la société autour de nous, il semble qu’il y ait cette idée que les préservatifs ne sont pas cools. L’idée de ne pas les utiliser est de plus en plus répandue.
« L’un des jeunes interrogés pour ce rapport a même répondu que ”les préservatifs étaient de mauvaises vibrations”. »
Outre cette idée reçue, la pandémie semble aussi avoir un rôle à jouer dans la baisse de l’utilisation des préservatifs. « Après la pandémie, les jeunes ont fait un calcul de risques.
« On peut l’expliquer de cette manière : Disons que je sors avec deux personnes. Mais je ne suis sortie avec personne d’autre pendant la pandémie. Maintenant, j’ai un rapport sexuel avec chacune des deux personnes. Je fais un calcul du risque que pendant la pandémie, n’ayant eu aucun rapport, je n’ai pas besoin de me protéger durant mes rapports à venir. Mais si chaque personne pense de cette manière, le risque est multiplié. » Ce calcul de risque augmente donc le nombre d’IST. Sept jeunes canadiens sur dix disent ne jamais s’être fait tester pour détecter une IST.
Une question de santé publique
Pour Yvonne Su, il est crucial de faire de ces enjeux, une question de santé publique. « Nous devons sensibiliser davantage les gens à ce sujet. Mais ce n’est pas le cas. Nous devons également la déstigmatiser,il n’y a pas de honte à contracter une IST. »
Encore là, le rapport met en lumière que 34 % des jeunes sondés diagnostiqués avec une IST ne vont pas chercher de traitement médical. Pour rappel, les IST non traitées peuvent entraîner des risques sur la santé des personnes. D’autant plus qu’au Canada, la non-divulgation de la séropositivité connue par une personne est inscrit dans le Code criminel. Un fait qu’ignorent 96 % des jeunes sondés dans le rapport.
L’organisme LetsStopAIDS essaie donc de mener des campagnes de sensibilisation, Ludivine Méténier, graphiste, soulève que « ce n’est pas toujours évident de rendre attractif le fait de se tester. Avec des jeunes, on se doit d’être attractif, ludique et dynamique. En fait, c’est notre reproche, aux cours d’éducation sexuelle, de ne pas être pensé pour des jeunes. L’idée est de créer une interaction, une conversation entre nous et les jeunes pour qu’ils soient vraiment conscients des enjeux.
« Comme graphiste, je me rends compte à quel point la forme sert le fond dans ce type de discours. C’est une cible qui est habituée aux réseaux sociaux, à des informations qui vont vites. Alors une forme de présentation ne sera pas forcément la même pour toujours. »
L’éducation sexuelle
Ludivine Méténier a abordé la question des cours d’éducation sexuelle. Depuis quelques années, le Canada voit la montée d’un mouvement qui souhaite l’exclusion de l’éducation sexuelle dans les écoles publiques. Le Manitoba n’a pas été épargné par ce mouvement, notamment dans le sud de la province. Pour Yvonne Su, bien que la compétence d’éducation revienne aux Provinces, le Fédéral possède celle de la santé publique. « Je pense que nous tenons vraiment à une éducation sexuelle complète dans tout le Canada. Il faut que ce soit quelque chose qui soit envisagé à l’échelle nationale. Dans notre rapport, nous avons aussi mesurer l’arrivée d’immigrants. Ces immigrants viennent, ont des antécédents et une compréhension de l’éducation sexuelle très différents. Donc, si nous ne considérons pas cela comme un projet national, je pense que, dans une certaine mesure, nous n’y arriverons pas. »
Yvonne Su donne d’ailleurs un exemple pour illustrer l’importance d’avoir des cours d’éducation sexuelle à jour et orientés vers les jeunes. « En 2022, la Cour suprême a déclaré que le fait de consentir à un rapport sexuel avec un préservatif est différent que de consentir à un rapport sexuel sans. Si nous ne mettons pas à jour notre éducation sexuelle, en fonction des changements dans la société comme les lois, alors comment allons-nous équiper les jeunes pour qu’ils ne commettent pas de crimes, s’ils ne comprennent pas qu’il s’agit d’un crime au départ? Nous ne pouvons pas compter que sur les parents pour discuter de ce sujet. »