C’est tout d’abord un engagement personnel qu’a voulu porter le sénateur, René Cormier lors de sa prise de parole le 24 octobre dernier.
« Je suis d’une époque où nous avons perdu beaucoup de gens autour de nous à cause du SIDA. J’ai toujours été très sensible à cette question. Et malgré les progrès, il reste beaucoup à faire sur la question de la prévention des infections transmissibles sexuellement et par le sang. »
Il faut dire que dans les dernières années, les campagnes de sensibilisation ont grandement diminué comme le souligne René Cormier. « Je trouve qu’il y a une baisse de sensibilisation. Il y a un relâchement sur certaines précautions. Par exemple, sur le VIH, il y a un médicament alors les gens pensent que c’est réglé. Sauf que non, c’est une maladie chronique dont on ne guérit pas.
« Nous pouvons certainement saluer l’avancée de la médecine avec la PrEP (1), qui peut se prendre avant ou après une relation sexuelle ou encore les autotests. Cependant, le revers de la médaille, c’est que les gens pensent qu’avec des médicaments, c’est réglé. »
Dans son discours, René Cormier a partagé plusieurs statistiques pour donner du contexte. « Entre 2018 et 2022, les taux de syphilis infectieuse ont augmenté de 109 % au Canada (13 953 cas en 2022), et les cas de syphilis congénitale de 599 % (117 cas en 2022). […] En 2022, 1 833 nouveaux cas de VIH étaient déclarés au Canada, soit une augmentation de 24,9 % par rapport à 2021, la plus forte hausse depuis plus de 10 ans. »
Ces infections touchent particulièrement les communautés marginalisées, le Manitoba et la Saskatchewan sont les provinces les plus touchées avec des taux d’infection plus élevé que la moyenne nationale.
« C’est important qu’on en discute sur la place publique parce que cela touche les populations marginalisées. En 2021, les Autochtones représentaient 23,9 % des nouveaux cas de VIH et les populations noires représentaient 15,4 %. On ne veut absolument pas ostraciser ces populations. L’idée est de montrer qu’il faut des initiatives très concrètes qui soient mises en place pour aider ces personnes. »
Pour le sénateur, tout part de l’éducation.Il est fermement convaincu que le Fédéral peut jouer un rôle clé dedans. Le Canada est le seul pays du G7 où les nouveaux cas de VIH sont en hausse. « Tout ceci est une question d’éducation sexuelle. C’est une dimension extrêmement importante.
« La question de l’éducation sexuelle dans les écoles est vraiment disparate au Canada. Il n’y a pas d’unité dans la question des programmes. Si les Provinces et les Territoires n’assurent pas une éducation sexuelle de qualité, avec l’appui du gouvernement fédéral, on sera dans le champ. Les décideurs publics doivent être éveillés sur la nécessité de l’éducation sexuelle à l’école.
« À l’heure actuelle, on ne peut pas envoyer un message aux jeunes que les relations sexuelles sont dangereuses. Il faut accepter que les relations sexuelles fassent partie de l’humanité. C’est un équilibre à trouver. »
Un commentaire qui renvoie au mouvement présent un peu partout au Canada pour bannir l’éducation sexuelle des écoles. Pour lui, « c’est important de démystifier ce qui entoure le VIH et les ITSS et identifier des solutions pour palier l’augmentation des infections. Des jeunes mieux sensibilisés est un premier pas dans la bonne direction ».
L’autre piste de réflexion que suggère le sénateur est la volonté d’en faire un enjeu de santé publique. « Le Canada a pris des engagements au niveau international sur le VIH. D’ici 2030, le Canada s’est engagé à atteindre le 95-95-95, c’est-à-dire que 95 % des personnes porteuses sont diagnostiquées, traitées et ont une charge virale indétectable.
« Bien que la santé soit de juridiction provinciale et territoriale, le Fédéral a tout de même une responsabilité de s’assurer que les fonds vont au bon endroit et d’avoir une meilleure coordination. Il faut des partenariats entre le Fédéral, les Provinces et Territoires et les organismes communautaires qui sont sur le terrain. Le Fédéral doit aussi reconnaître le rôle des organismes communautaires tout en assurant un financement adéquat sur le terrain. »
Sans réduire une personne malade à des chiffres, René Cormier tient à rappeler que chaque personne nouvellement diagnostiquée au VIH peut engendrer des frais médicaux de plus d’un million $. « C’est beaucoup d’investissement de fonds publics qui pourraient être investis dans de la prévention et l’éducation. »
Si pour l’instant, il ne s’agit que d’un discours auprès de ses collègues, René Cormier espère que la conversation va se poursuivre. « Certains de mes collègues portent la question de la jeunesse, d’autres de la santé publique. Cette interpellation n’a pas forcément vocation à devenir un projet de loi. Mais vraiment de mettre sur la place publique un enjeu. Il peut ensuite y avoir une motion pour demander des actions de la part du gouvernement fédéral. »
(1) Prophylaxie pré-exposition