L’avion effectuait une cartographie radar du nord de cette île recouverte d’une calotte glaciaire.

Sur les images, on voit très nettement des lignes droites qui n’ont rien de naturel, et qui trahissent ce qui reste des passages souterrains et des hangars dont une partie aurait dû accueillir des missiles pointés vers l’Union soviétique, à l’époque de la guerre froide.

Il faut préciser que l’existence cette base, appelée Camp Century, n’était plus un secret depuis longtemps. Mais ça l’était à l’époque : le « projet Iceworm » (littéralement, ver de glace) était censé représenter, à son terme, 4000 km de tunnels, à 12 mètres de profondeur, et une véritable petite « ville sous la glace ». Celle-ci, outre les installations militaires, aurait abrité des laboratoires, des magasins et un cinéma. La « ville », qui aurait pu accueillir 200 soldats et des scientifiques, n’a jamais atteint cette ampleur (il y a eu seulement quelques kilomètres de tunnels) : les ingénieurs se sont rapidement rendu compte que l’instabilité de la calotte glaciaire rendait impossible de garantir l’intégrité des plafonds et des tunnels, et les militaires ont abandonné l’idée.

Le site, où les travaux avaient été amorcés en 1959 — le prétexte officiel était la construction d’une base scientifique d’étude de la calotte glaciaire — n’était plus occupé que de façon intermittente en 1964, et le projet a été interrompu en 1967.

Après leur départ, les autorités américaines ont abandonné la propriété du terrain aux autorités du Groenland, cette île recouverte de glaces qui est elle-même un territoire du Danemark.

Ce n’est plus un secret, mais c’est une base dont l’existence est tellement peu connue que dans son communiqué du 25 novembre dernier, la NASA signale que lorsque ces lignes trahissant des tunnels et des hangars sont apparues sur son relevé radar, dans cette région inhabitée du nord du Groenland, « nous ne savions pas ce que c’était au début ».

Une pollution subglaciaire

En abandonnant cette base, les États-Unis ont aussi légué un problème aux générations futures : ce qui reste des installations abrite des eaux usées, du carburant et autres contaminants dont le sort est imprévisible dans le contexte de la fonte des glaces à cause du réchauffement climatique. En 2016, une recherche publiée dans la revue Geophysical Research Letters avait précisément pointé ce problème.

En réaction à cette recherche, les autorités groenlandaises, danoises et américaines avaient alors reconnu la nécessité de se préoccuper du futur de ces installations, et une déclaration du ministère américain de la Défense admettait qu’avec le réchauffement, les restes de ce camp poseraient un risque pour la sécurité des environs.

Les États-Unis ne sont pas non plus absents du Groenland, puisqu’ils y possèdent un aéroport militaire, Pituffik (anciennement, Thulé), qui constitue l’installation militaire américaine la plus nordique.

À tout le moins, cette « découverte » par l’avion de la NASA (son département NASA Earth Observatory) offre un « indicateur » de la fonte des glaces. Étant donné que l’onconnaît précisément la profondeur de ces installations, on pourra comparer, d’année en année, la vitesse à laquelle la calotte glaciaire fond au-dessus…