Quelques jours après la signature d’un traité moderne entre le gouvernement fédéral et la Fédération métisse du Manitoba (FMM), les Premières Nations Dakota Tipi et Canupawakpa Dakota s’opposent à la ratification.
En effet, dans une injonction déposée auprès de la Cour du Banc du Roi, les bandes Dakota arguent que le traité empiète sur leurs droits sur la terre.
Ce traité moderne concerne environ 42 500 Métis de la Rivière-Rouge et assure au gouvernement Métis une autonomie gouvernementale ainsi que de nombreuses compétences, notamment en matière de citoyenneté et de législation.
« Une fondation pour les générations à venir. »
Le jour de la ratification, le président de la FMM David Chartrand avait déclaré : « Il nous aura fallu attendre 154 ans pour trouver justice. En effet, ce Traité nous assure que peu importe le gouvernement au pouvoir, les Métis de la Rivière-Rouge ont un gouvernement. Ce Traité est une fondation pour les générations à venir. »
Seulement voilà, les Nations Dakota estiment que n’ayant pas fait partie des négociations, leur droit constitutionnel à la terre a été bafoué.
Et selon Niigaan Sinclair, Anishinaabe et professeur en études autochtones à l’Université du Manitoba, cette revendication est légitime d’un point de vue historique.
« Les Nations Dakota ont des droits légaux sur la Fourche. Ils ont une longue histoire de négligence, d’oubli et de mauvais traitements de la part de la province du Manitoba. Les peuples Dakota doivent être traités de manière appropriée et respectueuse. »
Revendication légitime
D’ailleurs, le 15 juillet 2024, le ministre des Relations Couronne-Autochtones du Canada, Gary Anandasangaree, avait, au nom du gouvernement fédéral, présenté des excuses à neuf communautés des Premières Nations Dakota et Lakota. Reconnaissant alors que « pendant trop longtemps, le Canada a traité ces Premières Nations injustement comme des «Premières Nations de seconde classe» et des étrangers au Canada ».
Là où les choses se compliquent un peu, et bien c’est que les Métis de la Rivière-Rouge aussi ont un droit légitime sur ces terres. De fait, la Loi sur le Manitoba (1870) réservait plus de 566 000 hectares de terre aux Métis. Même si dans les faits, à peine 15 % des terres promises ont finalement été distribuées, il n’en demeure pas moins que les revendications métisses sont fondées.
Mais Niigaan Sinclair souligne que ce n’est pas si simple. « Le fait est que les terres promises aux Métis de la Rivière-Rouge étaient à l’origine dues aux Premières Nations. »
En ce sens, le professeur fait entendre que les Métis de la Rivière-Rouge ont un rôle à jouer dans les revendications des Premières Nations.
« À un moment donné, tout le monde doit travailler ensemble », dit-il. Pour cela, il faut envisager que tout le monde puisse s’assoir à la table des négociations.
Il ne s’agit pas nécessairement de créer une hiérarchie dans la légitimité des revendications, ou de donner la priorité à un peuple plutôt qu’un autre. Le fait est, en tout cas que pour travailler ensemble, que tout le monde doit pouvoir s’assoir à la table des négociations.
Tout le monde doit pouvoir s’assoir à la table des négociations
Mais alors, à qui incombe la responsabilité de s’assurer que tous les concernés soient impliqués?
Sur ce point, Niigaan Sinclair est catégorique. « Le gouvernement (fédéral) a mis en place un système dans lequel il est le seul arbitre, c’est la loi. Il a donc créé ce problème, qui n’est donc pas un problème autochtone. »
À propos de la ratification du traité moderne, Niigaan Sinclair fait valoir que le Canada ne peut simplement pas choisir de camp. Il poursuit : « Le problème c’est qu’à travers la Proclamation royale de 1763 le gouvernement a déclaré que nous (Premières Nations) possédions toutes les terres. Puis lors de la création des traités, à l’époque, des peuples ont été exclus et des terres ont aussi été volées aux Métis. »
Niigaan Sinclair conclut que la réalité est la suivante : tous les acteurs doivent être en mesure de négocier, et de trouver un moyen de faire des compromis.
« Les terres des nations autochtones se sont toujours chevauchées, mais elles avaient des moyens de travailler ensemble pour se partager ces terres et cogouverner. C’est précisément ce qu’est un traité : un document de co-gouvernance.
« L’espoir serait que nous puissions trouver un moyen de partager ces terres de manière
adéquate et équitable. »
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