Un honneur pour celui qui a dû naviguer dans la modernisation de la Loi sur les langues officielles. Il tire officiellement sa révérence à le 28 janvier 2025. 

Près de sept ans après avoir commencé son mandat, le commissaire aux langues officielles assure que nous sommes désormais dans « un nouveau régime linguistique ». 

Depuis 2018, les langues officielles au pays ont fait un bout de chemin, d’abord par le livre blanc de février 2021, puis un projet de loi déposé en juillet 2021 par la ministre Mélanie Joly, balayé par le déclenchement des élections à l’automne 2021. Ginette Petitpas Taylor a alors hérité du portefeuille des langues officielles. En mars 2022, elle a présenté son propre projet de loi de modernisation qui ne recevra la sanction royale qu’en juin 2023. 

Des évolutions depuis 2018

Il faut dire que pour Raymond Théberge « en 2018, on était dans une situation où les langues officielles étaient dans un état de stagnation. Nous avions besoin de renouvellement en particulier sur la Loi sur les langues officielles. Nous avions besoin d’un nouveau souffle. Il aura fallu presque six ans pour y parvenir. » 

La modernisation de la Loi était alors au coeur des discussions de plusieurs acteurs. Raymond Théberge souligne que « nous voulions que la Loi tienne compte des nouvelles réalités dans lesquelles nous nous trouvions. Nous questionnions aussi l’impact de la Loi pour le développement des communautés de langue officielle en situation minoritaire. 

« Tout ceci a déclenché un nouvel élan dans le domaine des langues officielles. » 

La contribution du commissariat

À cet égard, Raymond Théberge rappelle la contribution du commissariat dans la modernisation. « Le gouvernement fédéral reconnaît désormais que le français est une langue minoritaire, non seulement à l’extérieur du Québec. Mais aussi en Amérique du Nord. Il y a donc des engagements clairs du Fédéral pour progresser vers l’égalité réelle. » 

Le commissaire nomme entre autres « la partie 7 de la Loi où il est question d’une nouvelle politique en immigration, du continuum en éducation, de la petite enfance, du dénombrement des ayants droit. La Loi est un outil important pour le développement des CLOSM. 

« D’autre part, nous avons aussi vu un plan d’action pour les langues officielles. Nous avons vu l’intégration de plusieurs de nos recommandations, notamment sur l’immigration. » Durant son mandat, le commissariat a aussi mené plusieurs études pour montrer les manques pour parvenir à une égalité réelle des langues officielles. « Durant la pandémie, nous avons constaté que les institutions fédérales n’étaient pas prêtes à communiquer en même temps dans les deux langues officielles. Tout simplement parce qu’elles n’ont pas les structures et les mécanismes nécessaires pour bâtir la capacité à répondre en même temps. Mais ce sont des institutions qui oeuvrent dans les urgences alors cette étude nous a amenés à avoir des discussions importantes. 

« Une deuxième étude a porté sur l’immigration. La cible en immigration a été manquée pendant 20 ans ce qui a conduit à un écart d’environ 75 000 personnes. L’immigration demeure un dossier extrêmement important dans lequel les politiques changent. Cependant, il faut se doter d’une politique d’immigration francophone forte. » 

Changement de culture

La présidente du Conseil du Trésor, Anita Anand a été entendue par le Comité sénatorial des langues officielles sur la question du bilinguisme dans la fonction publique. Cette dernière a insisté sur l’importance du changement de culture. Un point que le commissaire a déjà fait à plusieurs reprises dans ses rapports annuels et dans une étude sur l’insécurité linguistique dans la fonction publique. 

« Les langues officielles ne sont pas et n’ont jamais été bien intégrées dans toutes les fonctions administratives des institutions fédérales. Trop souvent, les langues officielles se retrouvent à la charge d’un petit groupe sans vraiment être bien compris par l’ensemble. C’est un phénomène qui perdure depuis des années. Et c’est certainement ce qui bloque car il faut changer la culture en profondeur. Le tout doit partir du leadership d’en haut pour assurer que les deux langues officielles ont leur place sans que ce soit simplement une case à cocher. » 

Encore des règlements à adopter

Si le commissaire aux langues officielles a vu l’adoption de la modernisation de la Loi, il reste encore des règlements à adopter pour sa mise en oeuvre. Raymond Théberge insiste sur le règlement de la partie 7. « Il faut préciser et mieux définir les termes de la partie 7. Il faut une feuille de route claire pour les institutions fédérales, c’est quelque chose qui doit être prescriptif. 

« Le Secrétariat du Conseil du Trésor est nommé comme responsable de la gouver-nance de la Loi. Il reste donc à en assumer le rôle. » 

Deux autres règlements sont attendus : celui sur les sanctions pécuniaires et le décret pour les entreprises à compétences fédérales. « On peut avoir une excellente loi. Mais tout dépend de la mise en oeuvre. » 

Dès janvier 2025, Raymond Théberge prendra du temps pour lui à Winnipeg, sur sa terre natale. Il n’exclut aucune possibilité rappelant que « les langues officielles sont une vraie passion et avoir occupé le rôle a été un honneur pour moi. J’ai pu servir les Canadiens et les Canadiennes ».