Un texte de Jonas DESROSIERS – Collaboration spéciale

Pour Lucas, un garçon de sept ans vivant sur une petite ferme le long de la rivière entourée de chênes et de pins, ces mois enneigés étaient aussi solitaires. N’ayant ni voisins proches ni frère ou soeur, Lucas rêvait d’un compagnon de jeu. 

Un matin de décembre, après une grande chute de neige, il eut une idée. Enfilant son manteau et ses mitaines, il sortit dans la cour et commença à rouler de la neige collante. Contrairement aux grands bonshommes de neige qu’il voyait parfois dans les films et à la télé, Lucas décida d’en faire un tout petit. 

Après une heure de travail méticuleux, son bonhomme de neige était prêt : pas plus haut que ses genoux, avec deux glands de chêne pour les yeux, une brindille tordue pour un sourire et une écharpe mauve en guise de finition. Lucas le regarda avec fierté et lui murmura : 

« Tu seras mon ami, même si tu ne peux pas parler. » 

Il n’imaginait pas que ce petit bonhomme allait attirer l’attention de tout le village… 

Quelques jours plus tard, profitant du calme hivernal, une voisine conduisait sa motoneige sur la rivière Seine gelée. Alors qu’elle avançait, un mouvement soudain attira son attention : un lapin blanc surgit des bois et bondit devant sa motoneige. Elle s’arrêta brusquement pour ne pas l’écraser. 

Le petit animal, comme s’il avait un objectif précis, courut jusqu’à une petite sculpture sur la rive de la rivière : un minuscule bonhomme de neige avec une écharpe mauve. Intriguée, la voisine observa le lapin s’asseoir calmement à côté du bonhomme, ses longues oreilles dressées comme s’il montait la garde. Elle prit une photo avec son téléphone cellulaire et continua son chemin. 

Amusée et touchée par la scène, elle en parla à ses enfants en rentrant. Curieux, ils décidèrent d’aller voir ce petit bonhomme de neige si spécial. Bientôt, ils s’y rendirent en motoneige, accompagnés de quelques amis. 

Arrivés sur place, ils furent charmés par la simplicité de la sculpture de Lucas. Inspirés, ils se mirent à créer leurs propres bonshommes de neige tout autour. En quelques heures, le bord de la rivière se transforma en un véritable village de neige : un bonhomme avec un nez en carotte, un autre coiffé d’un vieux chapeau, et même une famille de bonshommes animaux, peut-être en hommage au lapin. 

Le petit lapin, toujours curieux, sautillait parfois d’un bonhomme à l’autre, comme s’il supervisait cette joyeuse construction. Les rires des enfants et les passages de motoneiges attirèrent d’autres familles, et bientôt, la rivière Seine devint le centre d’une véritable fête communautaire. 

Mais une nuit, un vent chaud du sud souffla à travers le village. Lorsque Lucas se réveilla le lendemain, il trouva son petit bonhomme de neige effondré, réduit à un tas de neige fondue. 

Les autres bonshommes étaient aussi détruits. Il resta immobile devant ce désastre, les larmes aux yeux. 

« Tout est fini… », murmura-t-il. 

Mais ce n’était pas la fin. Peu de temps après, ses nouveaux amis arrivèrent, équipés de pelles, de seaux et de leur imagination débordante. 

« On va tout recons-truire! », dit Emma, une des premières à être venue. 

Ensemble, ils se mirent au travail. Cette fois, ils firent des bonshommes encore plus grands et plus colorés, en utilisant de l’eau colorée, des branches, et même des lumières pour les décorer. À la tombée de la nuit, le village de neige brillait sous la lueur des lumières de Noël et des étoiles, plus beau que jamais. 

Lucas, chocolat chaud à la main, debout au milieu de cette communauté qu’il avait involontairement créée, sentit son coeur se remplir de chaleur. Son petit bonhomme de neige n’avait jamais eu besoin de bouger ou de parler. Sa seule présence avait suffi à rassembler tout le village. 

Depuis ce jour, chaque hiver, la ferme de Lucas devint le lieu d’un festival de bonshommes de neige, une tradition qui unissait les familles et les amis de Sainte-Anne, tout ça grâce à un petit garçon et son bonhomme de neige. 

Article issu de notre cahier spécial de Noël paru le 18 décembre 2024.