Après des semaines tumultueuses, Justin Trudeau est sorti du silence ce 6 janvier. Alors que plusieurs responsables politiques, même à l’intérieur de son parti, ont demandé sa démission, le premier ministre, en poste depuis 2015, a finalement décidé de quitter son poste de chef du Parti libéral, puis celui de premier ministre. « Vous savez, je suis un figther. Dans mon for intérieur, je me suis toujours battu parce que je me soucie profondément des Canadiens. Ce matin, j’ai rencontré la gouverneure générale pour lui faire savoir que nous avons besoin d’une nouvelle session du Parlement, elle a accédé à ma demande. »

À titre plus personnel, c’est pendant le temps des fêtes que Justin Trudeau a mûri sa décision. « J’ai eu l’occasion de réfléchir et d’avoir de longues conversations avec ma famille. Hier soir, au souper, j’ai partagé avec mes enfants la décision que je partage avec vous tous. »

En attendant qu’un nouveau chef de parti soit choisi, Justin Trudeau va rester premier ministre du Canada. « Hier soir, j’ai demandé au président du parti de commencer les étapes nécessaires » « Le pays mérite un choix clair et réel lors des prochaines élections, et il est devenu évident pour moi que si je dois me concentrer dans des batailles internes, je ne peux pas être la meilleure option lors de ces élections. J’ai hâte d’observer le déroulement de ce processus dans les mois à venir », a-t-il aussi ajouté.

« Il est devenu évident pour moi que si je dois me concentrer dans des batailles internes, je ne peux pas être la meilleure option lors de ces élections. » Justin Trudeau

Le Parlement sera prorogé

Justin Trudeau a également décidé de proroger le Parlement jusqu’au 24 mars. En outre, les travaux de la Chambre des communes, qui devaient reprendre le 27 janvier, seront donc suspendus jusqu’à la fin du mois de mars.

Pierre Poilievre, chef du Parti conservateur du Canada et de l’Opposition officielle, a rapidement réagi à cette annonce avec un communiqué de presse qui a pour titre : « Ça ne change rien ». Sur son compte X, il explique : « Tous les députés libéraux et tous les candidats à la chefferie ont soutenu TOUT ce que Trudeau a fait pendant 9 ans, et maintenant ils veulent tromper les électeurs en échangeant un autre visage libéral pour continuer à arnaquer les Canadiens pendant encore 4 ans, tout comme Justin Trudeau. »

Yves-François Blanchet, chef du Bloc Québécois, croit que Justin Trudeau a pris « la bonne décision ». « Ce gouvernement-là a survécu de façon artificielle grâce à une entente qui n’aura rien donné d’intéressant avec le NPD pendant tellement longtemps. Il n’y a aucune raison qui pourrait justifier que ce gouvernement reste en poste plus longtemps que le minimum du minimum nécessaire pour que soit désigné un nouveau chef ou une nouvelle cheffe », a-t-il notamment dit.

« Peu importe qui dirige les libéraux. Ils ne méritent pas une autre chance », a de son côté déclaré le chef du Nouveau Parti démocratique, Jagmeet Singh.

« On pourrait débattre longtemps pour savoir s’il aurait dû prendre cette décision il y a longtemps, mais la façon dont il a procédé permet, je pense, de maximiser les chances pour son parti de se renouveler. » Raymond Hébert, politologue.

Contexte politique délicat

Cette décision intervient quelques semaines par la démission soudaine de Chrystia Freeland. Celle qui était vice-première ministre et à la tête du ministère des Finances avait annoncé quitter ses responsabilités le 16 décembre le jour où elle devait présenter l’énoncé économique de l’automne du gouvernement fédéral.

Dans ce contexte devenu difficile, Raymond Hébert, professeur émérite de sciences politiques, pense que Justin Trudeau a fait le bon choix. « On pourrait débattre longtemps pour savoir s’il aurait dû prendre cette décision il y a longtemps, mais la façon dont il a procédé permet, je pense, de maximiser les chances pour son parti de se renouveler. Il y aura environ deux mois pour ça. Ça sera difficile, mais je pense que c’était la bonne décision. C’est un moment tournant pour le Canada, et que le pays s’y attendait depuis longtemps. »

Raymond Hébert pense également que c’est un choix qui offre « de la continuité au Canada » avant le début du mandat de Donald Trump.

Pour rappel, le prochain président américain menace, depuis son élection, d’imposer des tarifs douaniers de 25 % sur tous les produits canadiens. Donald Trump justifie cette décision en expliquant que la frontière canado-américaine n’est pas assez sécuritaire.