L’application Grifori a pour ambition d’encourager les enfants à saisir la plume pour laisser cours à leur imagination.
On entend souvent dire qu’il est important d’encourager les enfants à lire. Dans le cadre de leur apprentissage de la langue, le conseil va de soi, mais l’on encourage la lecture en tout temps, tout au long de leur scolarité.
Alors si l’importance de la lecture est indéniable et que l’exercice mérite amplement d’être recommandé, force est de constater que les voix se font plus discrètes lorsqu’il s’agit d’encourager l’écriture.
C’est en tout cas le constat que tire Antoine Duval, fondateur de l’entreprise Pikobuz et créateur de l’application Grifori.
Père de deux enfants, c’est pendant la pandémie et le confinement que germe chez Antoine Duval, l’idée de créer Grifori.
« J’ai demandé à mes enfants d’écrire des histoires dont vous êtes le héros, qui sont des histoires interactives. En voyant le succès que cela a eu auprès d’eux, j’ai créé une application pour leur faciliter le travail. J’ai constaté à quel point il y avait un enthousiasme. »
Les récits dont vous êtes le héros s’inscrivent dans un style de littérature qui n’est pas nécessairement le premier auquel on pense. Pour rappel, les histoires dont vous êtes le héros sont des récits dans lesquels le lecteur a le pouvoir de prendre des décisions, dans lequel il incarne (souvent) le protagoniste et a le pouvoir d’influer sur le déroulement de l’histoire.
Un potentiel certain
Justement, ce choix au départ n’est pas anodin.
« Écrire ce type d’histoires là, ça allume la créativité des enfants. Parce qu’ils n’ont pas qu’une seule fin à écrire, mais plusieurs. Ça rend le récit qu’ils construisent interactif. On pense plus à notre lecteur en se disant que l’on va lui offrir des choix différents, alors c’est amusant aussi. »
Après s’être rapproché de différentes écoles dans le cadre du développement de Grifori, le Québécois souligne que ce genre de récit est assez courant dans le milieu pédagogique, pour ces mêmes raisons.
Toutefois, il est important de noter que l’application ne se limite pas à ce style littéraire seulement.
Antoine Duval confie que l’un de ses enfants a un trouble de l’apprentissage. Un trouble qui le gêne en particulier au niveau de la lecture et de l’écriture. C’est en voyant son fils interagir avec l’application que son concepteur s’est aperçu du « potentiel » de Grifori.
Depuis ses débuts l’application a bien changé et s’adresse aujourd’hui aux parents, mais aussi et surtout, aux enseignants.
L’application propose différents types de texte au départ. Descriptif, narratif et argumentatif. « Ce sont des modèles qui collent à ce qui se fait dans les classes. Mais l’on peut en créer de nouveaux. Par exemple, si un enseignant souhaite travailler sur la poésie avec ses élèves, il va être en mesure de créer une structure narrative pour le texte qu’il souhaite présenter à ses élèves. Il peut aussi les laisser créer leur propre structure de texte à partir de consigne que l’enseignant peut donner. »
L’intérêt principal de l’application : « Elle permet d’avoir un visuel sur la structure des textes. »
Rendre l’exercice plus abordable
Le fait d’avoir un schéma narratif visible permet plusieurs choses en réalité. En premier lieu, l’exercice par nature encourage la créativité, mais il permet aussi aux élèves d’apprendre comment structurer une narration.
Ainsi, pour un récit dont vous êtes le héros, il faudra imaginer le schéma narratif pareil à un arbre. Le point de départ, c’est le tronc, la situation initiale. Dans l’application, des consignes apparaissent : qui est ton héros? Que fait-il? Où? Quand?
Une fois la situation initiale écrite, on se dirige vers la première péripétie. Là, face à une situation, l’élève devra donner plusieurs choix à son lecteur. Par exemple : Un tigre surgit sur le chemin. Le lecteur peut alors fuir, ou bien tenter de faire fuir le tigre.
Le schéma narratif se divise alors en deux. Du tronc, l’on passe aux branches. Ainsi de suite jusqu’à la conclusion de l’histoire.
À noter que les schémas peuvent être modifiés et peuvent contenir plusieurs fins, ou adopter un style plus standard.
« On oriente les élèves avec des consignes que l’enseignant peut modifier à sa guise. Nous avons des consignes de base qui accompagnent certaines structures de texte. Certains projets s’inscrivent dans des thématiques, par exemple celle d’Halloween. Dans ce cas-là, on a déjà un schéma narratif : s’échapper de la maison hantée. Mais on permet toujours facilement aux enseignants de changer ces consignes-là. »
Finalement, l’idée ici est de rendre l’exercice de l’écriture le plus abordable et le plus fun possible. Dans cette optique-là, par exemple, l’application propose d’illustrer les passages de ses histoires avec des images.
D’autre part, « puisque le texte est divisé, les consignes le sont aussi en fonction de la structure et ça facilite beaucoup les choses » au niveau du processus de création.
Pour faire simple, le fait d’avoir un visuel sur la structure aide les enfants à se situer dans leur propre histoire et à organiser leur pensée.
« Il y a des élèves pour qui cette structure narrative est très complexe et compliquée à mettre en pratique sur une page blanche, rebondit Antoine Duval. Dans l’application, ça devient plus évident. »
Ne pas mâcher le travail
Toutefois, il s’agit malgré tout de ne pas mâcher le travail aux élèves. L’on attend tout de même de ces derniers qu’ils restent proactifs dans la création de texte.
Il a donc fallu se poser la question de savoir comment créer une application qui donne le goût de l’effort, sans le rendre trop accessible.
Comment s’assurer que les élèves restent engagés dans un processus de création et d’apprentissage, sans trop leur faciliter la tâche?
« C’est un point que l’on avait en tête pendant la création. Un des éléments importants de l’application, c’est que l’on n’a pas d’autocorrecteur. Il n’y a pas d’outils qui donnent les bonnes réponses. On va cependant surligner un mot en rouge s’il n’existe pas, l’application va indiquer les problèmes. C’est ensuite à l’élève d’aller chercher la solution. Ce n’est qu’un exemple, nous avons des outils d’aide, comme la prédiction de mot ou la synthèse vocale, mais qui sont à disposition des enseignants qui peuvent choisir de les activer ou non. Pour des élèves qui en auraient réellement besoin par exemple. »
Cette nuance pourrait potentiellement séduire les divisions scolaires au-delà des frontières québécoises.
Pour Alain Laberge, directeur général de la Division scolaire franco-manitobaine (DSFM) une telle application pourrait s’avérer intéressante. « Tout ce qui peut être un appui à l’écriture et la lecture est important pour nous. Quand un élève écrit un texte, l’important c’est que ce soit son texte, ses pensées, sa direction. »