Il y a eu 726 enterrements d’enfants âgés d’un an et moins de 1907 à 1912 dans le « Cimetière des Sœurs de la Miséricorde à St-Norbert », aussi connu sous le nom du cimetière de l’Asile Ritchot. C’est l’une des informations révélées par la SHSB après des recherches dans deux registres de sépultures de l’Asile Ritchot.

L’Asile Ritchot avait également répertorié un total de 3 383 décès associés à l’Asile, mais « le lieu d’enterrement des enfants n’est pas généralement indiqué », selon la SHSB. Enfin, parmi les 3 383 décès rapportés, 31 enfants avaient été identifiés comme étant Métis. 225 enfants métis étaient inscrits à l’Asile.

Émilie Pigeon, la directrice générale de la Société historique de Saint-Boniface (SHSB), explique avoir travaillé « plusieurs jours » pour trouver et compiler ces éléments. C’est d’ailleurs à l’initiative de l’organisme que ces recherches ont été faites. « On se voyait être mentionné sur les réseaux sociaux et des chiffres étaient avancés quant au nombre d’enfants qui sont passés à travers l’asile. Alors, c’est en réponse à ces conversations-là, dans un but d’intérêt public que nous avons voulu nous prononcer avec des statistiques claires pour que les gens soient au courant de ce qu’il s’y est passé. »

Une présence confirmée de tombes non marquées

Dans sa communication, la SHSB dit vouloir mettre « en lumière l’histoire oubliée du cimetière de l’Asile Ritchot ». Émilie Pigeon s’explique sur le terme oubliée. « Le site a été exhumé en 1974, les corps des Sœurs de la Miséricorde, qui opéraient à l’Asile Ritchot, ont été déplacés la même année à Saint-Boniface. Mais les gens se posent la question sur ce qui est arrivé aux sépultures et aux restes humains des enfants ou des bébés qui auraient été ensevelis là-bas. »

Émilie Pigeon, également historienne du catholicisme au 19e siècle, a l’habitude de travailler avec ce genre de registres. Elle souligne tout de même quelques points qui l’ont surprise. « Ça a été surprenant d’avoir deux registres dédiés exclusivement à l’enterrement de bébés. C’est-à-dire, les enfants les plus âgés, dans notre total de 726 enterrements, ils ont tous 16 mois et moins. C’est assez particulier. C’est aussi un témoignage de l’histoire des moins privilégiés à Winnipeg au début du 20e siècle. Il s’agit de l’histoire de gens qui étaient les plus pauvres, qui avaient besoin d’aide dans des circonstances difficiles de leur vie. »

La SHSB insiste que ces informations sont préliminaires et « doivent toujours être confirmées par une vérification. » Par ailleurs, en ce qui concerne ce cimetière, les documents d’archives « ne permettent pas de connaître avec précision son étendue à travers le temps et l’espace, ni les pratiques funéraires de l’époque. »

Des éléments qui pourraient avoir leur importance alors qu’on sait que depuis plusieurs mois une lutte importante a lieu dans la forêt Lemay à Saint-Norbert. Des résidents s’opposent au groupe Tochal Developments qui souhaite développer un projet immobilier. La lutte se poursuit maintenant sur le terrain judiciaire et dans les couloirs de la mairie de Winnipeg.

Informations utiles pour de nouvelles décisions

Louise Perret-Gentille, une porte-parole la Coalition To Save Lemay Forest, salue le travail de la SHSB qui peut avoir un impact sur de futures décisions. « C’est important de faire des choix qui refléteront l’immensité de ces nouvelles. Il est possible que l’on soit devant l’un des plus grands cimetières canadiens avec des tombes non marquées. C’est une histoire triste qu’on doit écouter et utiliser ces informations vers des décisions appropriées. J’espère que cela aidera tout le monde, même le développeur, à formuler un plan d’avancement pour qu’on fasse la bonne chose. »

Justement, le développeur et propriétaire du terrain a réagi par l’entremise de John Wintrup, urbaniste et porte-parole de Tochal Developments. Interrogé, il n’a pas commenté directement les informations de la SHSB.

Mais il rappelle que « les trois niveaux de gouvernement, ainsi que les détenteurs de droits ont été informés en 2023 de la présence possible de plusieurs tombes non marquées d’enfants autochtones sur les terres de la ville de Winnipeg ». « Tout cela a été documenté et fourni aux tribunaux  », affirme-t-il. Il explique aussi que son équipe a installé « une zone tampon de 100 mètres » autour du site potentiel des tombes anonymes. Dans un échange de courriel, John Wintrup souligne enfin que l’emplacement précis des tombes non marquées continuera à être affiné.

Même constat du côté de la SHSB qui souhaite continuer à investiguer sur ce sujet. « La question de l’investigation historique et de la recherche en cours est très pertinente et nous sommes absolument ouverts à collaborer avec les parties prenantes qui se posent des questions à propos de l’Asile Ritchot et du cimetière. », conclut Émilie Pigeon.