Par Inès LOMBARDO.
Un millier de Canadiens et de Canadiennes se sont rassemblés à Ottawa le 15 février, malgré une tempête de neige, pour écouter le chef du Parti conservateur du Canada, Pierre Poilievre, étaler ses idées sur les enjeux américains, la sécurité à la frontière et la production faite au Canada pour être « autosuffisants », a-t-il déclaré.
Entre propositions et menaces envers les États-Unis
Dans un discours majoritairement en anglais, sauf pour répéter les lignes phares de ses politiques, Pierre Poilievre a mis de l’avant sa volonté de créer un partenariat en plusieurs points avec les États-Unis, comme la sécurité à la frontière ou stopper le trafic de fentanyl.
Mais il a aussi accompagné ses propositions d’ombres de menaces. « Ne confondez pas notre gentillesse pour de la faiblesse », a-t-il lancé, avec force, à l’adresse des dirigeants des États-Unis.
Il a ajouté à l’intention de son public : « Ils paieront le prix de leurs décisions », en ciblant « des jobs que le Canada crée » aux États-Unis.
Dans la ligne de mire de ces menaces : les différents tarifs douaniers que compte appliquer le président Donald Trump sur les exportations du Canada.
Possibles tarifs à venir
En à peine deux semaines, le président américain a annoncé l’imposition de plusieurs tarifs douaniers sur des produits étrangers. Un grand nombre visent le Canada, mais leur entrée en vigueur reste incertaine.
Début mars : le sursis de 30 jours sur toutes les importations canadiennes prendra fin, une nouvelle menace de tarifs pourrait survenir.
12 mars : 25 % sur l’acier et l’aluminium de partout; ils pourraient s’ajouter à d’autres tarifs mis en place au début du mois.
2 avril : dépôt attendu d’un rapport demandé par le président sur les échanges économiques des États-Unis. Une série de tarifs réciproques, en réponse aux tarifs douaniers et autres leviers économiques imposés aux États-Unis, pourraient suivre.
Les menaces tarifaires de Donald Trump ont davantage « uni le pays », a affirmé Pierre Poilievre dans son discours.
Un sentiment que partage Adel, un montréalais qui a fait la route jusqu’à Ottawa pour l’occasion.
« [Son discours] donne gout aux Canadiens, aux Québécois, de se mettre tous ensemble pour travailler avec acharnement, pour être sûr que les États-Unis, Donald Trump, ne viennent pas nous prendre nos travails, notre argent et notre liberté. »
Tarifs et politiques sociales libérales au cœur des inquiétudes
Pour Adel, les tarifs sont bel et bien la plus grande menace actuelle pour les Canadiens. « C’est un fléau pour les deux pays. Personne n’est gagnant là-dedans », fait-il valoir.
Il précise qu’il est le premier de sa famille à vouloir voter conservateur. « Mes parents sont immigrés, ce serait inconcevable de changer de camp ». Adel n’ose pas leur dire qu’il votera conservateur.
Une mère de famille originaire de la rive sud de Montréal et qui a requis l’anonymat assure que ce sont les tarifs, mais aussi le fait qu’il n’y a « pas d’équipe » pour y faire face, qui la motive.
« Comme mère qui fait mon budget, je sais que si j’ai un besoin quelque part, il faut que j’aille chercher l’argent ailleurs. Fait qu’à un moment donné, la marge de crédit, ça va quelques mois, mais il faut en sortir. Je pense que M. Poilievre est vraiment le seul qui, fiscalement, a cette solidité-là et la vraie rigueur. Parce que M. Carney a beau dire ce qu’il veut, il fait la même politique que M. Trudeau ».
Elle cite aussi « certaines politiques sociales » des libéraux qui la poussent à s’engager pour les conservateurs, comme le fait que des « toilettes non -genrées » uniquement voient le jour dans plusieurs établissements, notamment l’université de sa fille.
La mère de famille affirme être « mal à l’aise » du fait qu’il n’y a pas de toilettes pour femmes, notamment dans les établissements scolaires, où elle travaille.
« Une femme qui a été abusée et qui doit aller dans la même toilette qu’un homme… Et je connais beaucoup de gens qui ont ce même malaise, mais, malheureusement, on n’avait plus de place pour le dire », fait-elle valoir.
La Québécoise affirme également que le couple Poilievre lui inspire confiance, car ils véhiculent des valeurs qui placent la famille au centre de leurs priorités.
En effet, c’est Anaida Poilievre qui a présenté son mari, comme lorsque son mari a remporté la course à la direction du Parti conservateur, en septembre 2022. L’un de leurs deux enfants était également sur scène.
Anaida Poilievre était d’ailleurs récemment au cœur d’une publicité, publiée il y a quelques jours par le parti, qui met la famille au cœur du message conservateur.
Ressources canadiennes
Parmi les quelques sympathisants conservateurs interrogés sur place par Francopresse, aucun n’a évoqué la taxe carbone, l’un des points d’attaque de Pierre Poilievre envers Justin Trudeau et celui qu’il voit comme son successeur, Mark Carney.
« Ils veulent maintenant instrumentaliser les tarifs pour faire oublier leurs échecs économiques, mais si les politiques libérales de Trudeau et Carney ont causé autant de dommages économiques, avant les tarifs, imaginez les ravages qu’ils vont causer après! », a lancé Pierre Poilievre pendant son discours.
La production canadienne d’énergie est à l’avant-plan des politiques de Pierre Poilievre. Il souhaite amorcer la construction d’un pipeline pour acheminer le pétrole et le gaz vers l’est du pays dans les 60 jours suivant son élection.
« Je soutiens un pipeline national d’ouest en est, des Prairies jusqu’au Nouveau-Brunswick! », a-t-il répété, avant de demander à ses partisans de faire preuve de « courage » face aux « écofanatiques ».
Ce projet se ferait avec l’aval des chefs des Premières Nations, assure-t-il, qui laisseraient les « entreprises leur payer leur part » en taxes.
« Ça permettrait aux Premières Nations de dépenser cet argent dans de l’eau potable », a-t-il affirmé, sourire aux lèvres, attaquant le mauvais bilan des libéraux pour que plusieurs réserves autochtones aient enfin de l’eau potable facilement accessible.
« On a besoin de vous! », lui crie une sympathisante pendant le discours. « Moi aussi j’ai besoin de vous, êtes-vous avec moi? » a rétorqué le chef conservateur, avant de déclencher un tonnerre d’applaudissements.
Après avoir rappelé que « l’aide arrive » pour les familles touchées par les morts dues au fentanyl et que la sécurité serait renforcée à la frontière, notamment pour les immigrants sans papiers, il a affirmé qu’il fallait « cesser la cancel culture », avec la restauration des statues de John A. Macdonald et de Terry Fox.