Si la situation autour de la forêt Lemay dans le quartier de Saint-Norbert a fait couler beaucoup d’encre récemment, d’autres terrains et espaces verts naturels gagneraient aussi à être préservés.
Il s’agit d’une parcelle de 62 acres (25 hectares) aux 36 et 88 de la route de Sumka dans le sud du quartier de Saint-Vital.
Un terrain principalement agricole, qui serpente aux abords de la rivière Seine.
Forêt riveraine quasiment intacte
Le terrain est à la vente depuis plus d’une dizaine d’années et les défenseurs de l’environnement, notamment l’organisme à but non lucratif Save Our Seine (SOS) se battent pour faire protéger le terrain sur lequel se trouve une forêt riveraine quasiment intacte.
Selon l’organisme, la parcelle est de nouveau en vente depuis le mois d’octobre pour la somme de 3,6 millions $.
Le conseiller municipal pour le quartier de Saint-Vital, Brian Mayes, qui a beaucoup œuvré pour l’acquisition par la Ville du terrain, indique qu’un accord n’a jamais pu être trouvé.
« Environ un tiers du terrain est constitué de forêts. En 2016, la Ville avait l’argent pour acheter la partie boisée, mais un accord n’avait pas pu être trouvé. »
En effet, la famille Sumka, propriétaire, souhaitait vendre le terrain dans sa totalité.
« Plus tard en 2022, une autre tentative a été faite par le gouvernement provincial à travers Manitoba Habitat Heritage Corporation (1), mais une fois encore ça n’avait pas fonctionné. »
Interrogé quant à savoir si la Ville de Winnipeg avait l’intention, cette fois encore, de faire une proposition d’achat à la famille propriétaire, cette dernière a indiqué dans un courriel que « le Conseil n’a pas demandé au Service public d’acquérir le site de Sumka », de plus, « aucun financement n’est prévu pour un achat futur ».
Malgré cela, Brian Mayes reste optimiste quant à l’avenir de cette étendue de forêt riveraine.
« Jusqu’à aujourd’hui, personne n’a détruit la forêt. Si le bon développeur achète le terrain, j’ai espoir que nous parviendrons à protéger la forêt. »
De plus, le terrain « n’est pas un terrain facile », à développer comme l’explique le conseiller. Il s’agit d’un zonage agricole, sans approvisionnement en eau, ni de système d’égout.
L’importance écologique
Les arbres et les forêts urbaines en général sont d’une valeur écologique et environnementale particulièrement importante. La forêt Sumka, est ce que l’on appelle une forêt riveraine. Par définition, elle longe la rivière et, de fait, joue un rôle majeur à la fois sur terre, mais aussi pour l’écosystème aquatique.
Audrey Gagnon est arboriste pour l’organisme Trees Winnipeg. « Lorsque l’on parle de forêts riveraines, l’on parle de quelque chose qui est plus complexe qu’un ensemble d’arbres. Ces forêts se divisent en plusieurs couches. À la base, on trouve les herbes et les graines, les espèces aquatiques aussi qui poussent sur la berge et qui sont des habitats et des sources de nourriture pour différents poissons et insectes. »
À mesure que l’on remonte vers la canopée, l’on s’introduit alors dans différentes couches. Une couche de buissons, dans laquelle on trouve aussi une grande variété d’espèces, et finalement on a une couche d’arbres.
Tout un écosystème
« Lorsque l’on a un bon équilibre dans l’ensemble de cet écosystème, on a des arbres qui poussent, des arbres qui sont au milieu de leur cycle de vie et enfin des arbres matures qui sont en fin de vie. On y trouve aussi des arbres qui sont morts et même ceux-là jouent un rôle important. Ils servent d’habitat et lorsqu’ils se décomposent ils nourrissent les insectes qui à leur tour nourrissent les oiseaux. » En bref, pour que la vie suive son cours, la forêt riveraine se doit d’être préservée dans son entièreté.
« C’est aussi l’une des zones les plus prolifiques en végétation au monde. »
On y trouve d’ailleurs beaucoup d’espèces de plantes et de fleurs indigènes au Manitoba comme l’anémone du Canada (Anemone canadensis), ou encore la renoncule à feuilles coupées (Rudbeckia laciniata).
Les forêts riveraines jouent aussi un rôle essentiel pour l’être humain et la planète en général. Les arbres bien sûr capturent et filtrent le carbone dans l’air, mais ces zones boisées permettent également une meilleure absorption de l’eau. Elles filtrent aussi les polluants, ce qui impacte positivement les cours d’eau qu’elles bordent.
« De plus les plantes indigènes ont des racines bien plus longues que le gazon que l’on plante généralement près des résidences. Ces racines permettent de renforcer la stabilité des berges et limitent l’érosion et les effondrements. »
Pour limiter ces risques, il est recommandé de conserver un minimum de 30 mètres de végétation entre la rivière et les habitations.
(1) Aujourd’hui Manitoba Habitat Conservancy.