Par Jean Marie Takouleu.
Malgré cela, entre obstacles administratifs et défis linguistiques, leur intégration reste un enjeu majeur.
Le président-directeur général de l’Association des collèges et universités de la francophonie canadienne (ACUFC), Martin Normand, a insisté sur l’apport des étudiants étrangers sur le plan académique.
« Leur présence permet d’élargir l’offre de programmes, en compensant le faible nombre d’inscriptions locales qui, à lui seul, ne suffirait pas à justifier la création de nouveaux cursus. Cet apport contribue à renforcer un écosystème universitaire dynamique et compétitif, tant sur le plan national qu’international », a-t-il expliqué lors d’un des trois panels du symposium Dynamiques institutionnelles et population étudiante en changement, à l’Université d’Ottawa, le 5 mars.
« C’est pourquoi les établissements francophones cherchent à se démarquer face aux changements de politique fédérale. Ils saisissent ces opportunités pour renforcer leur positionnement en mettant en place des stratégies de proximité et d’accompagnement sur le terrain à l’étranger. »
Une source essentielle de financement des universités
Le symposium a également mis en lumière la contribution des étudiants étrangers au rayonnement des universités canadiennes. Selon le Bureau canadien de l’éducation internationale (BCEI), le Canada en comptait 1 041 000 à la fin de l’année 2023.
La même année, les dépenses de ces étudiants, ainsi que celles de leurs familles et amis en visite, ont contribué à hauteur de 37 milliards de dollars à l’activité économique du Canada, se traduisant par une contribution de 40 milliards de dollars (soit 1,2 %) au Produit intérieur brut canadien, rapporte Affaires mondiales Canada.
« Rapport qualité-prix »
De leur côté, ces étudiants et étudiantes choisissent le Canada pour des raisons très personnelles. Deux ont participé à la discussion coorganisée par l’Observatoire sur l’éducation en contexte linguistique minoritaire (OÉCLM), le Centre interdisciplinaire de recherche sur la citoyenneté et les minorités (CIRCEM) et le Collège des chaires de recherche sur le monde francophone (CCRMF).
Étudiant au baccalauréat en informatique à l’Université d’Ottawa, Adjmal Younoussa a choisi le Canada pour son « rapport qualité-prix », surtout comparé à son voisin américain. Le bilinguisme français-anglais est également un atout majeur pour cet étudiant originaire des Comores.
Pour sa part, Clémence Gnintedem, candidate au doctorat en littérature française, souligne la disponibilité des moyens didactiques qui permettent aux étudiants de s’épanouir dans leurs recherches.
Barrières linguistiques, contraintes administratives, difficultés d’accès au marché du travail : la communauté étudiante internationale francophone doit surmonter plusieurs défis, notamment l’adaptation au système éducatif, « qui diffère grandement de celui des Comores », explique Adjmal Younoussa. « Le système financier est également très différent de ce que l’on retrouve dans d’autres pays. »
Celui qui assure la présidence de l’Association des étudiants internationaux de l’université d’Ottawa (UO-ISA) souligne également la difficulté d’accès à l’information. « Il y a une période d’adaptation qui est nécessaire. Je connais un étudiant qui a raté un devoir parce qu’il ne savait pas où aller chercher l’information sur le campus virtuel (Brightspace) », explique-t-il.
Barrières linguistiques et crise du logement
Clémence Gnintedem souligne la barrière linguistique liée à la proximité entre le français et l’anglais, qui entraine parfois un glissement de certains mots et expressions, pouvant prêter à confusion pour les étudiants.
Ne pas maitriser l’anglais entraine aussi son lot de complications. « Les étudiants doivent souvent travailler pour subvenir à leurs besoins, mais, à Ottawa, la plupart des employeurs exigent le bilinguisme », explique Christine Rwayongwe, coordonnatrice des services d’établissement au Centre d’établissement, de soutien et d’orientation communautaire (CÉSOC). « Nous les orientons donc vers des employeurs à Gatineau. »
La situation est encore plus complexe pour les étudiants établis dans d’autres provinces canadiennes. « Par exemple, un étudiant international au Campus Saint-Jean en Alberta, dont la formation exige un stage en entreprise, risque de compromettre sa réussite s’il ne parvient pas à trouver un milieu de pratique », avertit Martin Normand.
La crise du logement affecte particulièrement les étudiants étrangers, qui rencontrent des difficultés à accéder aux logements. « À Ottawa, nous les orientons également vers des prestataires privés », précise Christine Rwayongwe.
Certains se retrouvent également en perte de statut d’immigration en raison de la lenteur du traitement de leurs demandes de résidence permanente. « Ils ne peuvent même pas quitter le Canada faute de lettre de refus. Certains ont essayé, sans succès, de faire une demande de permis de travail, car ils doivent continuer à vivre en attendant une réponse d’IRCC [Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada] », déplore la coordinatrice.
Le chemin vers une meilleure intégration
Pour améliorer la situation de la population étudiante internationale francophone, Martin Normand recommande à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) de clarifier la politique d’immigration et de mieux informer les personnes intéressées, « afin d’éviter que des étudiants arrivent au Canada avec de faux permis d’études », souligne-t-il.
Christine Rwayongwe prône pour sa part une synergie entre les établissements d’enseignement supérieur, les organismes communautaires et les autorités responsables de l’immigration pour mieux orienter les étudiants francophones qui choisissent le Canada.