Au risque de pointer du doigt l’évidence, le métier de pompier est un métier dangereux. Qu’il s’agisse d’intervention incendie ou même de service médical d’urgence, les interventions des pompiers les exposent constamment à toutes sortes de risques. Dans la grande majorité des cas, ces risques sont visibles et tangibles, il est facile d’imaginer ce que les pompiers encourent lorsqu’ils se ruent dans une maison dévorée par le feu.

Pourtant, le danger ne disparaît pas toujours en même temps que les flammes ne s’essoufflent.

De fait, ce sont les maladies, et en particulier le cancer qui est l’une des principales causes de mortalité chez les pompiers. Des cancers provoqués par l’exposition aux substances cancérigènes contenues dans les fumées des incendies qui se déposent sur les habits ou la peau ou qui peuvent parfois être directement inhalées.

On estime que les pompiers sont 9 % plus enclins à être diagnostiqués d’un cancer, et le risque d’en mourir est 14 % plus élevé pour eux que pour le reste de la population.

Ce n’est donc pas par hasard si, depuis 2024, le mois de janvier est celui de la sensibilisation au cancer chez les pompiers.

Un changement de mentalité

Il convient de noter qu’aujourd’hui, le problème est pris beaucoup plus au sérieux. Et force est de constater que les mentalités, même dans le monde des combattants du feu, évoluent. C’est ce qu’affirme Philip Boily, pompier à Winnipeg et pompier volontaire à La Broquerie depuis plus de 20 ans.

« Quand j’ai commencé en 2004, on ne parlait pas du cancer, avoir une tenue noir de suie était même une fierté au sein de la communauté des pompiers. Ce n’est plus du tout le cas aujourd’hui. »

Au cours de ses années de services, Philip Boily a pu observer que les choses ont beaucoup changé.

Il existe aujourd’hui beaucoup plus de sensibilisation, dès la formation, et des ressources qui permettent de lutter contre ce mal invisible. « À chaque retour d’intervention, le matériel, nos manteaux, nos pantalons, tout est nettoyé comme il faut ». Les pompiers sont donc bien plus conscients des dangers auxquels ils s’exposent.

« Les feux les plus dangereux, ce sont les feux de voiture. On dit qu’après un feu d’automobile et que ton équipement est exposé à ces flammes-là, tu ne pourras jamais débarrasser ton équipement de ces toxines. À savoir que lorsque l’on sue dans nos combinaisons, on absorbe ces toxines. »

Les nouveaux enjeux

L’évolution des technologies est une épée à double tranchant. Elle a apporté avec elle de nouveaux enjeux de sécurité, comme le dit Philip Boily, « aujourd’hui, ce n’est plus du bois qui brule. C’est du plastique ou des forever chemicals. Les fumées sont bien plus toxiques qu’elles ne l’étaient il y a vingt ans ».

Sans révéler leur identité, Philip Boily indique que deux de ses amis pompiers se battent contre le cancer.

Avec ces nouveaux problèmes, la technologie permet aussi de trouver des solutions.

En cas d’intervention incendie, chaque pompier a accès à un masque et une bouteille d’oxygène qu’il porte sur le dos comme un sac. Le matériel est doté d’une technologie qui détecte les mouvements de son porteur et qui envoie une alerte en cas d’immobilisation. Cet appareil de protection respiratoire, semblable à du matériel de plongée, pèse tout de même un certain poids. Malgré une bonne nuit de sommeil et une forme olympique, ce n’est pas sans effort que La Liberté a enfilé le matériel sur son dos.

Question d’équipement

En tout, le poids de l’équipement total d’un pompier frôle les 150 livres (près de 70 kilos).

Si l’importance de cet équipement respiratoire est indéniable, il limite tout de même les mouvements, et avec 25 minutes d’air en moyenne par bouteille, il limite également le temps d’intervention (même si plusieurs bouteilles d’oxygène sont prévues pour les interventions). C’est une chose avec laquelle les pompiers apprennent désormais à composer.

Cela passe par des entraînements et de la formation à l’utilisation du matériel. « Aujourd’hui, c’est clair que l’on apprend que c’est cet équipement qui va nous sauver la vie. On traite ces combinaisons comme les gars de l’armée traitent leur fusil. On doit être capable de l’enfiler les yeux bandés, c’est à ça que l’on s’entraîne. »

Au-delà du poids, ce type de matériel a aussi un coup.

7 000 $ par équipement de protection respiratoire, selon Philip Boily. Quant aux manteaux et pantalons, le coût s’élève à 4 000 $ par tenue.

S’il admet que pour les stations localisées au rural, l’acquisition de ce type de matériel peut être compliquée en raison de son prix, le pompier souligne que la station de La Broquerie est bien lotie, avec 15 appareils respiratoires et 45 bouteilles à oxygène.

Toutefois, le risque zéro, malheureusement, n’existe pas. Et ces dernières années, si les mentalités ont évolué dans le corps de métier, la sphère gouvernementale aussi s’est saisie de la question.

La reconnaissance de maladie professionnelle

La Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail (LMRSST) intègre la présomption de maladie professionnelle pour certains cancers pouvant affecter les pompières et les pompiers. Au Manitoba, 19 types de cancers sont reconnus et intégrés dans la Loi sur les accidents du travail.

« Tu peux être couvert pour tes traitements, mais ce n’est pas parfait. Il faut avoir minimum 15 ans de métier ou 20 ans d’expérience volontaire. Mon ami est à 14 ans et huit mois. Alors il n’y a pas eu droit. Ça ne devrait pas être 15 ans, lui il a eu de la chance parce qu’il a été diagnostiqué assez tôt, mais s’il avait attendu six mois de plus pour être sûr d’être pris en charge par l’assurance, il aurait peut-être été trop tard. »