Sur le terrain de la compagnie Tritec Concrete, aux abords de Saint-Eustache à l’ouest de Winnipeg, une machine d’une dizaine de mètres de haut se dresse à l’extérieur, derrière les hangars.

Il s’agit d’un prototype de Rapid Organic Converter (ROC). Celui-ci fonctionne en continu depuis 2016 et a vu le jour sous l’impulsion de Jamie Dufresne, propriétaire de Tritec Concrete, qui a travaillé pendant une bonne partie de sa carrière dans la recherche et le développement.

« Je cherchais un moyen de récupérer les déchets agricoles, que nous brûlions à l’époque, et de trouver un moyen de le granuler ou l’ensacher. Le système actuel consomme tout ce qui est organique. »

Gestion durable des déchets

À savoir, tous les déchets qui se composent de carbone, cela inclut le plastique par exemple, mais aussi, les déchets organiques qui découlent de l’industrie agroalimentaire.

Cette technologie s’inscrit dans une démarche de gestion durable des déchets. Pour l’illustrer, il faut en comprendre le fonctionnement.

Jamie Dufresne prend un exemple concret. Lorsque l’on dépose un sac poubelle au coin de la rue sous le soleil pendant six mois, le sac et ce qu’il contient vont commencer à se décomposer en relâchant du méthane sous la chaleur.

« Cette machine, c’est comme si l’on rapprochait le soleil du sac poubelle, explique Jamie Dufresne. À l’intérieur de la machine, le processus de décomposition et les gaz qui émanent vont créer un système de combustion sans flamme.

Processus naturel

La chambre dans laquelle se trouvent les déchets atteint une température d’environ 1 200 degrés Celsius. On crée alors le même processus naturel, mais en l’espace de quelques secondes et dans un environnement contrôlé. »

Selon le concepteur, seuls le métal, le verre et les minéraux ne peuvent être détruits par le procédé.

Aujourd’hui, Tritec Concrete a vendu l’une de ses machines au transformateur de viande True North Food.

L’installation d’une telle machine coûte 2 millions et demi de $ et la construction a pris près de 11 mois.

« Pour manœuvrer la machine, nous recommandons environ trois personnes pour une période de quatre mois. Une fois paramétrée, la machine fonctionne en autonomie. Même s’il est préférable d’avoir une personne à la maintenance environ huit heures par jour tous les jours. C’est un processus continu, la machine tourne 24 h sur 24 h. Elle doit être arrêtée une semaine par an pour l’inspection et la maintenance. »

Des déchets transformés en poussière

Les déchets organiques qui passent dans la machine sont ensuite transformés en poussière qui ne contient plus que des minéraux. Pour 907 kilos de déchet, 12 kilos de poussière ressortent de la machine.

La poussière, en fonction de sa composition, peut ensuite être réutilisée, dans la fabrication du ciment par exemple, selon Jamie Dufresne. Si elle est riche en nutriment et ne présente aucun risque de contamination, elle peut être utilisée à des fins agricoles.

Autrement, si elle présente des résidus potentiellement dangereux comme des métaux lourds, elle devra être empaquetée et éliminée dans un dépotoir.

Ce système d’élimination de déchets présente également un certain intérêt sanitaire. Étant donné que l’élimination des déchets se fait sur site, logiquement rien n’en sort. Dans le cadre d’une potentielle contamination du bétail, elle permet d’éviter le transport de carcasse conta- minée et donc les risques de propagation de maladie.

D’un point de vue économique, en particulier pour les industries de la viande, la machine permet d’éviter des coûts liés à l’élimination des déchets.

L’intérêt de cette technologie réside aussi dans son impact environnemental.

Le ROC permet de diminuer grandement les émissions de gaz à effet de serre.

Le coût de la technologie

Puisque la combustion des matières se fait sans flamme, de fait, la création de méthane est empêchée.

Le méthane à lui seul représente près de 50 % des émanations de gaz dans les dépotoirs non équipés pour capter ce gaz.

De plus, les émissions de CO2 de la machine, considérées comme neutres en carbone puisqu’elles proviennent de matières organiques, restent inférieures à celles des méthodes traditionnelles.

« Nous relâchons moins de 8 % de CO2 par mètre cubes de volume. »

Enfin, dans son fonctionnement, la machine permet également de créer de l’énergie thermique, qui elle-même peut être transformée en électricité. Selon David Paz, président-directeur général de l’entreprise, le coût de technologie ROC est estimé à environ 1 million $ par mégawatt par heure, « ce qui est nettement inférieur aux projets hydroélectriques traditionnels ».

« Nous souhaiterions proposer un partenariat avec Manitoba Hydro. Nous pensons que ce partenariat peut renforcer la sécurité énergétique du Manitoba avec de l’énergie verte, durable et renouvelable tout en relevant les défis de la gestion des déchets. »