Avec des informations de Lucille DOURLENS.
Les élections générales 2025 ont été déclenchées le 23 mars par la dissolution du parlement à la demande de Mark Carney.
Une semaine seulement après avoir été assermenté comme premier ministre, Mark Carney dévoilait à la presse son intention de dissoudre le Parlement et, donc, de déclencher de nouvelles élections. Depuis ce dimanche, c’est chose faite. Pour le poste de premier ministre du Canada, plusieurs candidats s’affrontent.
C’est dans des circonstances assez particulières que ces élections fédérales ont débuté. Celle d’une guerre tarifaire avec les États-Unis de Donald Trump. C’est donc sans surprise que la question des relations diplomatiques entre le Canada et les États-Unis sera au centre de la bataille électorale fédérale.
C’est en tout cas ce qu’avance Félix Mathieu, professeur agrégé au département de science politique de l’Université de Winnipeg.
« Qui est le candidat qui est le mieux placé pour négocier les relations commerciales, économiques et politiques avec le président Trump? Si l’on devait résumer la campagne électorale à venir à un seul enjeu, c’est de celui- là dont il s’agit. »
Selon l’expert, même les autres sujets d’importance, comme celui du coût de la vie, gravitent finalement autour de la question des tarifs douaniers.
Les deux visages principaux de ces élections, a priori, seront ceux de Pierre Poilievre, chef du Parti conservateur et de Mark Carney, récemment élu chef du Parti libéral.
Ce dernier, quoique novice en politique, a occupé le poste de gouverneur de la Banque du Canada. Un profil qui pourrait jouer en sa faveur.
« Être novice peut être un atout, dans le sens où l’on ne traîne pas de casseroles, on ne peut pas se voir reprocher d’être en politique parce que c’est la seule chose que l’on sait faire. Mais de l’autre côté, on n’est pas nécessairement habitué à la danse d’une campagne électorale. »
Après une semaine passée en tant que premier ministre du Canada, Mark Carney a enchaîné les rencontres diplomatiques et « s’en est assez bien sorti », souligne Félix Mathieu, avant d’apporter un peu de nuance.
« On a aussi pu observer qu’il s’agaçait rapidement lorsqu’on le critiquait par rapport à ses actifs, à ses avoirs. Alors il va devoir se développer une carapace et choisir ses combats. Il ne faut pas qu’il en vienne à répondre systématiquement aux critiques qu’il reçoit, ça risque de lui nuire. »
Le déclenchement des élections aussi rapidement après son élection à la tête du Parti n’est pas un hasard. Les libéraux souhaitent capitaliser sur leur popularité à la hausse. « C’est certain que c’est un atout pour les libéraux de partir aussi haut dans les sondages. Mais l’issue de la campagne électorale n’est pas certaine pour autant. »
Une campagne à suivre
Alors la position de départ est meilleure que prévu, mais comme le précise Félix Mathieu, une campagne électorale dure plusieurs semaines. Il s’agira désormais de voir comment les conservateurs mèneront leur campagne.
« Pierre Poilievre est un grand débatteur, un grand orateur, très charismatique. Lorsque Mark Carney croisera le fer avec lui dans les débats, en français comme en anglais, ce ne sera pas du tout aussi amical que lorsque c’était devant les troupes libérales. Il va falloir être prêt. »
Pour Félix Mathieu, la candidature de Mark Carney implique sans doute un changement de stratégie du côté des conservateurs. « Ils ne peuvent pas se permettre de perdre une troisième fois de suite contre les libéraux alors qu’ils partaient avec la préemption de l’emporter. Une défaite pourrait même mener à un éclatement du Parti conservateur du Canada qui est une jeune formation. »
Le professeur indique que l’électorat canadien, dans son ensemble, est plus modéré que la figure résolument conservatrice qu’incarne Pierre Poilievre.
Vis-à-vis de la stratégie qu’il devrait adopter, elle consiste à « étirer l’élastique entre les électeurs plus centristes, que l’on doit courtiser, sans s’aliéner de la base partisane qui a propulsé Poilievre à la tête de la formation ».
Toujours à propos de la stratégie de campagne de Pierre Poilievre, le Parti indiquait que le candidat ne serait pas suivi par les médias au cours de sa campagne. Une décision inacceptable pour Félix Mathieu.
« C’est une mauvaise décision. On semble vraiment prendre les médias pour des ennemis alors qu’ils sont le quatrième pouvoir. Ils sont en mesure et ont la responsabilité d’informer le grand public. Même d’un point de vue stratégique, je ne crois pas que ce soit très intéressant. Avoir des journalistes auprès de soi ça permet par exemple de répondre tout de suite à l’attaque d’un autre candidat. »
Les conservateurs ont toutefois indiqué qu’ils fourniraient aux médias des préavis en avance sur les emplacements des évènements.
« C’est quand même une façon de contrôler le message. Ça pose un problème éthique et ça complique le rôle des médias qui est névralgique dans une démocratie.
Quid des autres acteurs
À propos du Parti néo-démocrate, Félix Mathieu envisage qu’il s’agira peut-être de la dernière course électorale fédérale pour Jagmeet Singh.« Je vois mal le Parti s’attacher à la figure de Jagmeet Singh. Il ne performe pas sur le plan politique comme le Parti aurait pu l’espérer. »
Pour ce qui est du Bloc Québécois, la situation n’est plus la même qu’il y a cinq ou six mois, au moment où l’on imaginait même que le Parti puisse former l’opposition officielle. « Ça ne semble plus possible, ce ne sera pas une course facile pour Yves-François Blanchet, parce qu’on joue en marge du match central. »
Au moment de la dissolution du Parlement, le Parti vert ne comptait que deux sièges. Une victoire le 28 avril prochain est donc assez improbable.