L’on comprend notamment que des règlements désuets et un manque de ressources entravent une prestation bilingue efficace.

Le document d’une dizaine de pages qui résume la situation et un autre plus détaillé dresse donc un état des lieux des services municipaux de Winnipeg au regard des exigences de la Partie 9 de la Charte de la ville de Winnipeg et du Règlement municipal sur la prestation de services municipaux dans les deux langues officielles.

Spécifiquement, il s’agit du Règlement municipal no 8154/2002 de la Ville de Winnipeg, adopté le 11 décembre 2002, il y a quasiment 23 ans.

« Le règlement actuel a été établi à une époque différente et ne correspond pas tout à fait aux besoins actuels de la communauté francophone », peut-on lire dans ce rapport.

Un règlement qui a plus de 20 ans

Michel Durand-Wood, chroniqueur, observateur de la vie municipale et auteur du blogue DearWinnipeg.com, va dans le sens du rapport.

Michel Durand Wood
Michel Durand Wood est observateur de la politique municipale et auteur du blog DearWinnipeg.com (photo : Marta Guerrero)

Les réglementations de la Ville ne sont plus en phase avec la réalité de la communauté francophone de Winnipeg en 2025. « Le règlement, tel qu’il est, oblige la Ville à fournir certains services en français uniquement dans le district de Riel, qui comprend les quartiers de Saint-Boniface, Saint-Vital et Saint-Norbert.

« Cependant, au fil des ans, on a constaté que la communauté francophone se retrouve de plus en plus un peu partout en ville, dispersée dans tous les quartiers. Malheureusement, le règlement ne prévoit pas la provision de services en français dans ces autres quartiers, qui fait que les francophones à l’extérieur du district de Riel souvent ne peuvent pas recevoir de services en français. Cela va à l’encontre de la partie 9 de la Charte de la Ville, si pas en la lettre de la loi, au moins en son esprit. »

Des exigences non respectées

L’on constate d’ailleurs dans les documents que même à l’intérieur du district Riel, toutes les exigences ne sont pas respectées.

Ces règlements dépassés ont un impact. Cela « entraîne des services incohérents dans les deux langues », dit le rapport.

Pour se donner une idée, les communications avec le public, qu’elles soient sur papier ou électroniques, peuvent ne pas toujours être accessibles dans les deux langues officielles. Aussi, les résidents peuvent rencontrer des délais pour accéder aux services en raison d’un manque d’employés bilingues ou d’un soutien linguistique inadéquat pendant le processus de prestation.

Le Service de renseignements de l’Hôtel de Ville en est l’un des exemples selon les documents présentés, tout comme les services en ligne pour signaler un crime ou encore les demandes de permis.

Ce non-respect des obligations linguistiques « mine la confiance de la communauté ».

Des consultations avant le changement

Alors, Winnipeg peut-elle rapidement modifier sa réglementation? Pour Michel Durand-Wood, la Ville prend avant tout le temps de consulter. « Quoiqu’il soit très facile pour la Ville de modifier un tel règlement, elle veut prendre le temps de consulter avec les diverses parties prenantes de la communauté francophone afin de s’assurer que toute modification apportée au règlement satisfera les besoins de la communauté. C’est cette partie qui peut prendre plus longtemps. Ils veulent bien faire. »

Et, en effet, il est recommandé à l’administration municipale d’obtenir une rétroaction de dirigeants communautaires clés. Le document évoque la Division scolaire franco-manitobaine (DSFM) et la Société de la francophonie manitobaine (SFM).

Interrogé par La Liberté, Jean-Michel Beaudry, directeur général de la SFM, se prépare à rencontrer la Ville à ce sujet, notamment la directrice des services en français. Un comité est d’ailleurs en train de se mettre en place pour conseiller la Ville sur les Langues officielles, confie Jean-Michel Beaudry.

« Certains départements doivent avoir une personne bilingue à la réception, mais souvent ce poste-là n’existe plus. Il faudrait donc éliminer ce genre d’incongruence. » Jean-Michel Beaudry.

Une volonté de faire mieux

S’il est d’accord sur le constat, le directeur général souhaite qu’en plus d’une mise à jour, le règlement soit revu pour éviter certaines situations paradoxales. « Le nouveau règlement ne devrait pas réduire l’obligation de l’offre de services en français, mais certaines obligations sont à revoir. Je pense au fait que certains départements doivent avoir une personne bilingue à la réception, mais souvent ce poste-là n’existe plus. Il faudrait donc éliminer ce genre d’incongruence. »

Aussi, si le DG de la SFM remarque certaines améliorations pour les services en ligne, il prend notamment l’exemple du Service des eaux et des déchets et note des lacunes pour les services en personne. « Ça demeure un défi. Il y a aussi des façons de développer des stratégies pour que les services soient offerts dans l’ensemble de la ville, ne serait-ce que d’avoir une procédure pour les employés unilingues anglophones pour savoir où rediriger les gens dans le cadre d’une demande d’un service en français. »

Malgré tout, Jean-Michel Beaudry demeure optimiste, car il ressent une réelle volonté de la Ville de s’améliorer. « Présentement, le département des Services en français à la Ville de Winnipeg a une très petite équipe qui doit avoir de l’influence sur l’ensemble de tous les départements. Le plan quinquennal est supposé renverser cette tendance. Mais, ce plan est pour l’instant resté en interne et n’a pas été encore validé par la communauté, ni partagé avec le public pour des rétroactions.

« Alors, c’est sûr que par exemple sur les communications, le fait que la Ville ait à communiquer dans les deux langues officielles, c’est très valable, ça devrait faire partie du plan quinquennal sans qu’on ait à changer le règlement. C’est le genre d’enjeu qu’on veut mettre de l’avant. »

Un compte rendu de ces consultations devra être présenté au conseil municipal en 2026 dans le cadre du rapport annuel sur les services en français.