Dans les prochaines semaines, les Canadiens verront de plus en plus de produits canadiens sur les étagères et de services venant d’autres provinces à leur disposition alors que le gouvernement fédéral applique des mesures pour lever les obstacles réglementaires au libre-échange. Ce qui soulève cependant la question : pourquoi ces obstacles sont-ils aussi nombreux?
Les barrières au commerce existent pour préserver les entreprises provinciales et les industries locales et pour garantir le respect des normes et des lois provinciales, par exemple lorsqu’il existe des divergences entre les provinces en matière de licences ou de réglementations administratives.
Elles peuvent aussi exister pour des raisons logistiques, pour garantir la sécurité publique ou l’environnement.
Comprendre ces obstacles
Il existe un accord de libre-échange au Canada, l’Accord de libre-échange canadien, qui a été mis en place en 2017 et qui garantit la libre circulation des marchandises à l’intérieur du pays.
Dans cet accord, chaque province a pu inclure certaines exceptions ; par exemple, au Manitoba, il existe une réglementation supplémentaire dans le secteur de l’hydroélectricité qui favorise nos résidents et garantit que nous avons accès à l’énergie locale.
Face aux menaces de tarifs douaniers américains élevés et à la nouvelle menace que représentent les tarifs chinois récemment annoncés, le gouvernement fédéral a entamé des pourparlers en vue de lever les barrières existantes au commerce interprovincial et de faciliter le soutien de l’économie canadienne à l’échelle nationale.
Vers la fin février, Anita Anand, alors ministre des Transports et du Commerce intérieur, annonçait que le gouvernement fédéral avait supprimé plus de la moitié des « obstacles de nature réglementaire au commerce intérieur » et qu’il travaillait avec les gouvernements provinciaux pour négocier des assouplissements supplémentaires aux réglementations du commerce intérieur.
La moitié des obstacles supprimés
« Je pense que réduire les barrières au commerce entre provinces est absolument positif », dit André Brin, directeur général du World Trade Centre Winnipeg. « Ça a toujours été une problématique. »
« Avec le contexte actuel, avec ce qui se passe aux États-Unis, c’est une bonne opportunité. L’appétit est là pour adresser cet enjeu. Les provinces et régions qui étaient peut-être moins ouvertes à ça seront plus ouvertes maintenant qu’elles cherchent de nouveaux marchés. Et pourquoi ne pas commencer à côté chez nos voisins au Canada? »
Il souligne que la situation est difficile des deux côtés de la frontière. Bien que l’on s’attende à ce que des tarifs douaniers soient appliqués autant aux entreprises canadiennes qu’américaines, celles-ci devront décider individuellement qui supportera le fardeau de ces coûts supplémentaires. Les entreprises sont confrontées à trois options difficiles : dépenser 25 % de plus pour le même produit, négocier avec les fournisseurs pour absorber une partie des coûts supplémentaires ou trouver un partenaire commercial local.
Dans certains secteurs, la situation est encore plus compliquée. « Le secteur de l’automobile est une industrie très nord-américaine parce que certaines pièces de véhicule devront traverser la frontière six, sept, huit, neuf fois avant que le travail soit complété. »
Des marchés dépendants les uns des autres
Une pièce peut se trouver aux États-Unis pour être peinte, puis revenir au Canada pour être assemblée. Lorsqu’une voiture est entièrement fabriquée, les pièces auront voyagé plusieurs fois, ce qui signifie que les tarifs doivent être payés chaque fois que la frontière est franchie. Le coût total pourrait être énorme.
« Le marché américain est également dépendant du marché canadien. Il y aura un impact économique important aux États-Unis aussi. C’est ce qu’on entend de nos collègues dans des World Trade Centre des États-Unis. Ils s’inquiètent aussi pour leurs entreprises, beaucoup d’entre eux ont des partenaires au Canada. Ils trouvent ça troublant. »
Ce que les entreprises trouvent particulièrement difficile, cependant, c’est l’incertitude. « On ne peut pas vraiment savoir ce que sera le règlement demain, dans deux semaines ou dans un mois et de pouvoir se préparer en conséquence. »
Selon André Brin, toutefois, la réponse du Canada aux tarifs, par exemple en levant les barrières au commerce intérieur, pourrait être particulièrement positive pour le Manitoba, une province qui compte parmi celles qui ont le moins d’obstacles réglementaires au commerce interprovincial. La modification de la réglementation pourrait permettre à la province d’accéder à d’autres marchés, peut-être même à l’étranger.
Prise de conscience
Il est également optimiste quant aux conséquences des menaces tarifaires sur les habitudes des consommateurs. Ayant déjà constaté une prise de conscience quant à la nécessité d’acheter des produits canadiens, il espère que ce changement d’habitude durera.
« C’est dommage que ça prenne une crise pour avoir une prise de conscience comme ça, mais c’est encourageant. J’espère que ce ne sera pas temporaire, qu’on favorisera toujours les produits canadiens lorsque c’est possible.
« C’est une opportunité pour les consommateurs, j’espère aussi que ce sera une opportunité pour les entreprises canadiennes de revoir leur plan et de songer à exporter vers de nouveaux marchés, autant au Canada que vers d’autres pays. Sans aucun doute, c’est un temps difficile, mais je pense que c’est une opportunité pour le pays, pour les provinces, pour les entreprises. »