En ce mois des Rendez-vous de la francophonie, une sélection de ses productions est accessible jusqu’au 31 mars sur le site de L’Office national du film (ONF). Rencontre avec un passionné du 7e art.
Producteur de cinéma francophone du Manitoba, René Piché a produit de nombreux films à partir des années 1970 en collaborant avec des réalisateurs et réalisatrices francophones de l’Ouest. Jusqu’à la fin du mois de mars, une dizaine d’entre eux peuvent être visionnés gratuitement sur le site de l’ONF.
Produits entre 1976 et 1989, tous ont été réalisés en français par des réalisateurs et réalisatrices francophones, et pour certains issus des provinces de l’Ouest canadien. René Piché revient dans cette entrevue sur sa carrière de producteur et sur ces films mettant en lumière des talents issus de la francophonie des provinces de l’Ouest.
Il faut savoir qu’au début des années 1970, l’Ouest comptait peu de personnes qualifiées dans la réalisation, contrairement au Québec et à l’Acadie. « Dans l’Ouest, environ une à deux personnes savaient faire des films dans la francophonie. Il y en avait beaucoup plus en Acadie et au Québec par exemple. »
Régionaliser la production de films
René Piché explique qu’à l’époque les personnes dites « intéressées » se lançaient dans le cinéma. À titre d’exemple, il nomme Sylvie Van Brabant, la réalisatrice du film documentaire C’est l’nom d’la game (1977). Originaire d’Alberta, elle s’est rendue au nord de la province pour suivre une famille francophone installée sur une propriété de fermiers pour comprendre « comment ces gens-là vivaient comme minoritaires ».
« Le problème c’est qu’en Alberta, il n’y avait pas de techniciens francophones, s’exclame René Piché. Alors la plupart du temps, on a fait venir des gens du Québec qui connaissaient le métier. C’était un autre monde. Dans l’Ouest, il fallait pratiquement commencer de zéro! »
Pour comprendre en quoi la réalisation des projets avec des professionnels francophones dans ce milieu était important, il faut rappeler le contexte de l’époque. Dans les années 1970, l’ONF souhaite progressivement régionaliser la production qui était jusque-là concentrée à Montréal. Afin d’encourager la production locale et de mieux représenter la diversité culturelle et linguistique du pays, des centres régionaux sont créés avec la mise en place de bureaux de production en Acadie, en Ontario mais aussi dans l’Ouest canadien. C’est ainsi qu’un bureau de production ouvre à Winnipeg en 1974.
Se professionnaliser
Par ailleurs, Le Vieillard et l’enfant (1985), réalisé par le québécois Claude Grenier, a grandement marqué la carrière du producteur. D’une durée de cinquante minutes, ce dernier met en scène une des nouvelles écrites par la romancière Gabrielle Roy, Ces enfants de ma vie. « Sur le tournage, Charles Lavack, qui est originaire d’ici, était assistant à la prise des images. Il avait le sens de la caméra. Le caméraman s’est aperçu que Charles ne mesurait pas les distances entre ce qu’il filmait et la caméra… On lui a expliqué qu’il avait un sens inné des distances. Et c’était vrai! », se souvient-t-il.
Impressionné par son talent, René Piché décide alors de l’envoyer faire un stage à Montréal afin qu’il puisse se professionnaliser davantage dans le métier.
Quelques années plus tard, alors que le bureau de production de Winnipeg a fermé ses portes en raison de coupes budgétaires à l’ONF, René Piché retrouve Charles Lavack au sein des Productions Rivard, une compagnie de production indépendante basée dans la capitale manitobaine. Existant depuis 1995, cette dernière rend hommage à l’abbé Léon Rivard considéré comme le premier cinéaste francophone du Manitoba. « C’était mon but finalement. Je voulais que l’on ait plus de capacité de production de film », commente René Piché qui y a exercé en tant que consultant et superviseur des étapes de production.
La place des francophones
Finalement, tout au long de sa carrière René Piché a œuvré pour le cinéma francophone de l’Ouest canadien, tant au sein d’un organisme national tel que l’ONF que dans une structure indépendante.
Dans la liste des films disponibles ce mois-ci sur le site de l’ONF se trouve un court-métrage animé intitulé Au pays des couchers de soleil (1978). Le spectateur y découvre un jardinier anglophone qui tente en vain de se débarrasser d’une fleur de lys… Une belle image qui suggère de façon poétique que « les francophones ont aussi leur place au Canada », conclut René Piché, le sourire aux lèvres.
Filez voir la sélection sur le site de l’ONF.
Liste des films : C’est l’nom de la game, Au pays des couchers de soleil, Magie blanche, Du mauvais côté de la clôture, L’impossible oubli, Des faiseurs d’images, L’esprit des neiges, Un jour j’ai rêvé et Le Vieillard et l’enfant.
Disponibles jusqu’au 31 mars.