C’est une forme de nouvelle ère économique dans laquelle nous ont plongés Donald Trump et son approche des « tarifs réciproques ». 185 pays sur la planète ont été visés par des tarifs allant de 10 à 50 %.
Donald Trump a déjà prévenu ce vendredi que sa « politique ne changera pas ». Deux voies s’ouvrent : négocier et répliquer. Deux exemples des plus récents illustrent la situation : la Chine et le Vietnam. Le premier frappé par des tarifs réciproques de 34 % et le second de 46 %.
La Chine a répliqué ce vendredi en annonçant des droits de douane supplémentaires de 34 % sur les produits américains dès le 10 avril. Donald Trump a rapidement répondu en disant que Pékin avait « mal joué » et que les Chinois « ont paniqué ».
Côté Vietnam, il semble que le dialogue soit plus ouvert. En effet, une « discussion très productive » a eu lieu entre le président américain et le secrétaire général du parti communiste To Lam. Selon les dires américains, le Vietnam souhaiterait « réduire ses droits de douane à zéro s’il parvenait à conclure un accord avec les États-Unis. »
Économie et diplomatie
L’on comprend qu’en plus des règles économiques, la diplomatie doit aussi s’adapter à cette nouvelle réalité.
Au Canada, la réponse a visé spécifiquement le secteur automobile. Le premier ministre du Canada, Mark Carney, a notamment annoncé des droits de douane de 25 % sur les véhicules entièrement assemblés non conformes à l’ACEUM (1) qui sont importés au Canada en provenance des États-Unis.
Alors que nous sommes encore dans les premiers jours depuis ces annonces américaines, quels sont les possibles impacts pour les économies, notamment au Canada?
Isabelle Salle, Chaire de recherche du Canada en macroéconomie et professeure agrégée, Département de science économique, Faculté des sciences sociales de l’Université d’Ottawa, rappelle d’abord que ces tarifs récents et ceux plus anciens arrivent à un moment déjà délicat pour l’économie du pays.
« Ce n’est pas une bonne nouvelle, car l’on vit dans une période économique très difficile depuis plusieurs années. L’économie fonctionne un peu comme un organisme humain : si vous attrapez une maladie et que vous êtes déjà affaibli, ça va être compliqué de s’en remettre. Et nous sommes dans cette condition-là au Canada. Clairement, ça fait des années qu’il n’y a pas un seul indicateur macroéconomique qui va dans la bonne direction. Et plus que les tarifs en eux-mêmes, c’est l’incertitude que ça amène au niveau des entreprises, des embauches, des investissements. Dans un contexte où ça n’allait déjà pas très bien, ça renforce les risques de récession. »
Quels risques?
La professeure Isabelle Salle évoque les autres risques possibles dans une telle situation.
« Oui, la décroissance, nous y sommes déjà. Ça fait depuis 2019, j’imagine, que le PIB par habitant diminue. Il y aura ensuite un problème d’inflation. Nous sommes quand même un petit à côté des gros, on a plus à y perdre et nous sommes très dépendants des États-Unis. Dans un premier temps, cela va jouer sur un choc d’offre, c’est-à-dire un choc qui augmente les prix, mais qui ne vient pas de l’augmentation de la demande. C’est le genre de choc que les banques centrales n’aiment pas. »
Pour information, depuis 1981, le PIB réel par habitant avait augmenté à un taux annuel moyen de 1,1 % pour passer d’environ 36 900 $ par personne à 58 100 $ par personne en dollars constants. Mais la pandémie conjuguée à la baisse de la production par habitant a laissé le PIB réel par habitant à un niveau inférieur de 7 % à sa tendance à long terme, ce qui équivaut à une baisse d’environ 4 200 $ par personne. Statistique Canada explique que pour revenir à la tendance d’avant la pandémie au cours de la prochaine décennie, le PIB par habitant doit croître à un taux annuel moyen de 1,7 % par année.
L’experte, à l’image du chemin notamment pris par le Vietnam, recommanderait au Canada de négocier. « On a vu notre dépendance aux États-Unis, on a intérêt, sur le court terme, à négocier. Et sur le moyen, long terme, diversifier nos débouchés et partenariats pour moins s’exposer à l’avenir à ce genre de problème. »
Pour rappel, le principal partenaire commercial du Canada est bien les États-Unis qui représentent environ 75 % des exportations totales.
(1) Accord Canada–États-Unis–Mexique.