Blair Mahaffy, du Parti Vert, Noël Gautron, du Parti populaire, et Trevor Kirczenow, du Parti Libéral, affrontent leurs visions politiques pour cette circonscription, qui subit déjà de plein fouet les conséquences de la guerre tarifaire avec les États-Unis.

Si les candidats de Provencher formulent des projets politiques bien différents, ils se rejoignent sur une chose : la guerre tarifaire est au cœur des inquiétudes.

Dans cette circonscription de 18 000 km2, tous les secteurs d’activités tirent la sonnette d’alarme. « Les entreprises – qu’elles soient grandes ou petites – et les agriculteurs, sont fortement impactés économiquement  », souligne Dave Carlson, maire d’Emerson-Francklin, une municipalité à l’extrême sud de Provencher, près de la frontière avec les États-Unis.

D’autres enjeux semblent être une source de préoccupations pour les habitants de cette circonscription. « La crise du logement, les problèmes de sécurité publique et le manque d’infrastructure inquiètent énormément les habitants et crée beaucoup de frustration », explique-t-il.

Si Provencher arbore un bleu conservateur depuis le début des années 2000, ça n’a pas toujours été le cas.

Depuis sa création, en 1871, la circonscription a souvent changé de camp, alternant entre représentations libérales et conservatrices. Mais depuis plus de vingt ans, ce sont les conservateurs qui dominent.

Lors des dernières élections fédérales de 2021, les conservateurs avaient récolté 48,7 % des voix, les libéraux 17 %, le parti populaire 16,5 %, le Nouveau Parti démocratique 12,6 %, et le Parti vert 2,6  %. La circonscription, qui comptait il y a quatre ans 75 410 électeurs, est aujourd’hui ébranlée par de nombreuses incertitudes, notamment économiques, sollicitant davantage des propositions concrètes de la part des candidats.

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Blair Mahaffy, candidat du Parti vert

Aussi loin qu’il s’en souvienne, Blair Mahaffy a très vite eu l’envie d’aider la communauté. « J’ai été très inspiré par l’un de mes professeurs au secondaire qui m’a poussé à servir au sein de groupes communautaires et politiques ».

Avant de rejoindre officiellement le Parti vert en 2014, Blair Mahaffy commence son activisme politique chez les conservateurs. « J’ai travaillé pour des campagnes électorales conservatrices, mais j’ai senti très vite que mes valeurs n’étaient plus alignées avec les idées du parti ».

Alors quand il rejoint le parti, Blair Mahaffy réalise qu’il peut désormais s’investir davantage en politique. « J’ai compris que ce parti ne se concentrait pas uniquement sur les enjeux environnementaux mais aussi sur la justice sociale, tout en proposant une nouvelle vision du système électoral ».

Pression économique sur la population

Aujourd’hui, le développeur informatique est le PDG du Parti vert de Provencher et représentant du Parti vert du Sud-Est, à l’échelle de la Province. « Provencher est une circonscription très vaste avec des enjeux surtout économiques », souligne le candidat.

Majoritairement agricoles, les secteurs commerciaux de la circonscription sont impactés par les tarifs imposés par l’administration Trump. « Il y a une pression sur la population qui doit subir les prix causés par les tarifs, alors nous devons nous questionner sur la manière dont on peut soutenir les petites entreprises locales et les ménages qui ont des difficultés financières ». Le candidat vert évoque également d’autres enjeux à prendre en compte, comme le tourisme et la crise du logement.

Mais pour répondre à ces préoccupations et établir un plan d’action, Blair Mahaffy n’a qu’un seul mot d’ordre : la durabilité. « Il est primordial d’être durable dans nos pratiques agricoles, dans les ressources que l’on exploite, ou encore dans les logements que l’on construit », souligne-t-il.

Diminution des taxes

En parallèle de cela, le candidat rappelle les grandes directives du Parti vert. « Nous souhaitons faire diminuer les taxes car lorsque les gens ont les moyens et sont en bonne santé, ils peuvent travailler et être productifs pour notre économie ».

Blair Mahaffy plaide également pour une grande réforme électorale. « Un réel système représentatif devrait être mis en place car de nombreuses personnes votent pour notre parti et n’ont presque pas de représentation à l’assemblée », soulève le candidat.

D’après lui, dans ces élections, chaque voix compte pour porter le message des Verts. « Si nous arrivons à un score de 5 % à 10 % des voix, les grands partis réaliseraient que nous sommes bien présents, ils pourraient nous voler quelques-unes de nos idées, et si c’est le cas, on aurait en quelque sorte gagné. »

Trevor Kirczenow, candidat libéral

Trevor Kirczenow a plusieurs casquettes. Diplômé en sciences politiques à l’Université de Colombie-Britannique, il a travaillé dans le domaine de la santé, en participant à un groupe de recherche pour améliorer l’assurance médicament pour les personnes diabétiques, en collaboration avec tous les partis politiques à l’échelle de la Province. Il est également violoniste professionnel, une passion qu’il exerce souvent au sein de l’orchestre symphonique de Winnipeg.

Si le candidat libéral se présente pour la troisième fois dans cette circonscription, il rappelle le caractère inédit de cette période électorale, rythmée par les annonces tarifaires. « L’enjeu principal, et le plus urgent, est l’économie canadienne face aux tarifs. Le coût de la vie qui augmente est en permanence une préoccupation pour les électeurs, c’est pour ainsi dire la première chose que j’entends à chaque fois lors de nos échanges ».

Les valeurs canadiennes

Pour Trevor Kirczenow, l’offensive commerciale états-unienne s’attaque aussi aux valeurs canadiennes. « Face à ça, nous devons renforcer la protection des minorités, les différentes cultures, la langue française et les droits sociaux ».

Pour le candidat, le vote libéral est avant tout un vote raisonnable. « Notre leader, et premier ministre, Mark Carney a une expérience d’économiste qui est essentielle actuellement, et c’est surtout la meilleure personne pour faire face à Donald Trump et protéger nos intérêts économiques », assure-t-il.

Il tient ainsi à rappeler que le Parti libéral a présenté son plan pour protéger l’économie. « Nous voudrions d’abord investir dans l’économie canadienne, créer de nouveaux emplois en priorité, encourager le commerce interprovincial, mais aussi construire davantage de nouveaux logements  ».

Ce dernier point sur le logement – fait particulièrement écho à Provencher. « Il faut créer des logements plus abordables dans la circonscription », souligne le candidat.

Défendre les interêts locaux

Par ailleurs, il affirme vouloir défendre davantage les intérêts locaux. « Notre grande responsabilité est de permettre aux communautés locales d’avoir accès à des fonds fédéraux », soutient-il.

Bien que Provencher soit depuis une vingtaine d’années représenté par les Bleus, Trevor Kirczenow ne perd pas espoir. « Je compte sur la rencontre avec les électeurs, la discussion, la communication ».

Pour le candidat, il est aussi important de parvenir à remobiliser les abstentionnistes. « Certains ne votent pas car ils se sentent oubliés, alors j’essaye d’aller à leur rencontre pour leur faire comprendre que je peux les représenter ».

Noël Gautron, candidat du Parti Populaire du Canada

Il n’aura fallu que 45 minutes à Noël Gautron pour monter à bord du navire populaire lancé par Maxime Bernier en 2018. « J’ai immédiatement quitté le Parti conservateur car j’en étais déçu ». C’est la troisième fois que le chauffeur routier se présente aux élections sous l’étiquette PPC. La première fois, c’était pour la circonscription d’Elmwood-Transcona en 2019, avant de s’établir politiquement plus tard à Provencher.

Noël Gautron est catholique, et partage son envie de représenter les communautés manitobaines chrétiennes. « Dans le sud de la Province, il y a ce qu’on pourrait appeler les Bible Belt, ce sont des communautés catholiques et mennonites ». Dès son plus jeune âge, le candidat grandit dans un environnement familial fortement engagé en politique. « Depuis des générations nous sommes impliqués en politique ».

Tensions avec les États-Unis

Noël Gautron rejoint ses concurrents au sujet des urgences économiques et commerciales de la Province liées aux tensions avec les États-Unis. Mais le candidat tient à se démarquer et affirme vouloir proposer d’autres solutions. « Nous voulons prendre une piste différente, les autres partis veulent rompre complètement avec les États-Unis. Or, pour nous, il ne faut pas insulter frontalement les états-uniens, ni stopper les relations avec eux ».

Le candidat tient à rappeler que le voisin du sud est un partenaire économique et géographique de longue date qu’il est difficile de remplacer. « Il faut plutôt coopérer avec eux, nous pourrions tenter d’échanger avec d’autres marchés, mais cela prendrait un temps considérable ».

Dans cette circonscription à forte vocation agricole, le candidat du Parti populaire défend la fin du système de gestion de l’offre. Ce système, mis en place dans les années 1970, régule la production agricole dans l’objectif d’assurer des prix stables, des revenus prévisibles pour les producteurs et éviter les surplus. Il s’applique aujourd’hui particulièrement aux secteurs du lait, de la volaille et des œufs. Mais pour le candidat, ce système est loin d’aider les agriculteurs. « Les fermes laitières doivent payer pour avoir le droit de faire leur produit, c’est un système très contrôlé, qui fait perdre beaucoup aux agriculteurs ».

Frustration médiatique

L’avortement figurent également parmi les priorités politiques du candidat. « Je suis catholique, alors bien sûr, ce sujet m’importe. Nous voudrions le restreindre à terme », affirme-t-il. Il s’investit aussi activement au sujet des armes à feu. Il explique que son parti plaide pour une simplification du système de classification. « Les libéraux ne comprennent pas le sujet des armes à feu, alors les règles qu’ils mettent en place n’ont aucun sens ».

À Ottawa, son ambition est claire : réaffirmer clairement les positions et l’identité de son parti. « Nous maintiendrons la pression sur les conservateurs, ces derniers sont trop progressistes », affirme-t-il. Mais il souhaite également que l’image médiatique du PCC soit revalorisée. « Les médias nous traitent comme un petit parti, donc nous sommes souvent exclus des débats ».

Le candidat exprime une certaine frustration sur le traitement médiatique du PCC et tient à rappeler que l’objectif de son parti est avant tout de « garantir le plus de liberté possible aux Canadiens ».

Contactés par La Liberté, le député conservateur Ted Falk, candidat à sa réélection, et Brandy Schmidt, la candidate du Nouveau Parti démocratique, n’ont pas répondu à nos demandes d’entrevue.

Cette couverture électorale a été rendue possible grâce au Fonds « Couvrir le Canada : Élections 2025 »