Par Michel LAGACÉ.
Depuis l’été 2023 jusqu’au début 2025, le Parti conservateur sous la direction de Pierre Poilievre détenait une avance écrasante dans les sondages nationaux.
C’est alors que les évènements se sont précipités : la démission du Premier ministre Justin Trudeau, l’abolition de la taxe carbone par son successeur Mark Carney et la poussée nationaliste suscitée par Donald Trump. En seulement trois mois, les libéraux ont gagné 30 points dans les sondages.
Pour les autres partis politiques, la poussée libérale a provoqué des crises existentielles. L’appui du NPD s’est effondré et, si cette tendance se maintient le jour de l’élection, le parti pourrait perdre son statut officiel à la Chambre des communes. Et le Bloc québécois pourrait perdre des sièges au profit des libéraux. C’est ce qui laisse entrevoir la victoire d’un gouvernement libéral majoritaire le 28 avril.
Pour les conservateurs de Pierre Poilievre, une autre défaite après 10 ans dans l’opposition signifierait encore quelques années sans pouvoir former le gouvernement et pourrait déclencher une division profonde au sein du parti et remettre en cause le poste de son chef.
Si, après avoir parus voués à une défaite certaine pendant si longtemps, les libéraux réussissent à se maintenir au pouvoir le 28 avril pour un quatrième mandat successif, ils auront démontré encore une fois leur capacité de s’adapter à l’opinion changeante de l’électorat : ils auront changé de chefs, de politique et de direction.
Il faut dire que Mark Carney a grandement profité de son statut intérimaire de premier ministre en plus de chef de parti : il a convoqué les premiers ministres provinciaux et territoriaux et attiré l’attention du public pour annoncer les réponses officielles du gouvernement du Canada aux salves tarifaires de Donald Trump.
Ce faisant, il semble avoir rassuré les Canadiens inquiets du chaos économique que le Président américain continue de semer. Pendant que les sondages nationaux annonçaient des changements importants dans l’opinion publique, Pierre Poilievre a semblé incapable de s’adapter à la nouvelle réalité, refusant de laisser tomber les tactiques à la Trump qu’il utilise depuis quelques années.
Pourtant, depuis que Donald Trump a commencé à attaquer l’économie et la souveraineté du Canada, tout ce qui ressemble aux tactiques du Président américain est devenu un moyen certain de saboter sa campagne.
Le chef conservateur a semblé incapable de changer de cap. Exemple : Pierre Poilievre a continué de promouvoir des politiques populistes semblables à celles des États-Unis. Entre autres, son soi-disant programme de lutte contre la criminalité comprend des éléments dont certains violeraient – s’ils étaient mis en œuvre – les décisions de la Cour suprême du Canada sur la mise en liberté sous caution et les peines minimales obligatoires.
Autre exemple : Il a continué à emprunter le slogan « America First » du Président américain pour répéter ad nauseam « Canada First », un slogan insignifiant qui ne faisait que rappeler les tactiques du Président américain.
Autre exemple encore : Comme Donald Trump, il a continué d’attaquer les médias et de limiter les questions des journalistes. Et il a continué de diaboliser les programmes comme les sites de consommation supervisée pour les personnes souffrant de toxicomanie, les qualifiant de « repaires de drogues » et de programmes de drogue « radicaux ».
La raison pour laquelle Pierre Poilievre a continué sur cette apparente voie d’autodestruction est loin d’être claire. En temps de crise, alors que les Canadiens recherchaient la stabilité, il a continué de s’enfoncer dans la négativité.
Il y a fort à parier que les résultats du 28 avril fourniront la preuve que nous nous trouvons dans une phase politique exceptionnelle où les tactiques traditionnelles ne fonctionnent pas.
Car le Canada ne peut pas se détacher des réalités contemporaines qui dépassent de loin nos propres frontières.
Aux partis politiques de tirer de ces élections hors de l’ordinaire les leçons qui s’imposent.