L’élection n’avait pas encore été officiellement appelée au moment d’écrire ces lignes, mais l’on se dirigeait de toute évidence vers un gouvernement libéral minoritaire avec, 168 sièges anticipés pour les libéraux, 144 pour les Conservateurs, 23 pour le Bloc Québécois, 7 pour le NPD et 1 pour les Verts. Une surprise pour Michel Lagacé, qui ne s’attendait pas à un « Canada aussi divisé ».

Pour Mamadou Ka, c’est le signe d’un manque de confiance des Canadiens. « Ces résultats rappellent que Mark Carney est un inconnu. On pensait que ses bourdes lui avaient été pardonnées et que les Canadiens lui faisaient confiance, mais ça ne semble pas être le cas. »

Avantage libéral

Michel Lagacé ajoute que « ces élections montrent aussi que les Canadiens n’ont peut-être pas non plus pardonné à Justin Trudeau. Ils ont exprimé qu’ils voulaient du changement, mais pas avec le conservateur Pierre Poilievre ».

En outre, si le Parti libéral du Canada (PLC) n’est pas majoritaire, il faudra qu’il se trouve un partenaire de coalition pour atteindre la majorité de 172 voix. Là encore, la défaite cuisante du Nouveau Parti démocratique (NPD) crée une autre surprise, en faisant du Bloc québécois (BQ) le parti qui va désormais détenir la balance du pouvoir.

« Le PLC va certainement devoir travailler avec le BQ, ce qui va faire l’affaire du BQ car ça le met en position de force, analyse Mamadou Ka. Le NPD a perdu trop de sièges, ainsi que son chef. On ne s’attendait pas à une telle situation. »

Jagmeet Singh démissionne

En effet, tard dans la soirée, le chef du NPD, Jagmeet Singh, a concédé la défaite dans sa circonscription de Burnaby-Centre et a annoncé sa démission de la chefferie du NPD.

Mamadou Ka n’anticipe pas cependant d’entente officielle de coalition entre le BQ et le PLC, plutôt une entente de principe. « Ce n’est pas dans l’intérêt du BQ. » Michel Lagacé renchérit : « Les Bloquistes voudront garder leur liberté d’action et tenir le PLC en haleine. Je pense que ça se jouera un enjeu à la fois ».

Il précise que la possibilité d’un gouvernement minoritaire « ne met pas les Canadiens mal à l’aise. On est habitué à avoir des gouvernements minoritaires. C’est même rassurant, car ça permet de contrôler un peu les élus, les tenir en place ».

Par ailleurs, Michel Lagacé souligne que quelles que soient les ententes et les priorités qui s’établiront dans les prochains mois, « à tout moment le président des États-Unis Donald Trump pourrait apporter des surprises et déséquilibrer le gouvernement canadien. Ce dernier risque de devoir réagir à des situations sur lesquelles il n’aura aucun pouvoir, et ce qu’il soit majoritaire ou minoritaire ».

Le nouveau gouvernement au pouvoir devra vite se mettre au travail, en priorisant notamment les enjeux de logement, santé ou encore de coût de la vie, sans oublier le positionnement du Canada face aux États-Unis. Michel Lagacé espère cependant que « le nouveau gouvernement ne négociera pas trop vite avec Donald Trump. Il est en perte de vitesse. C’est donc mieux d’attendre ».

Un retour aux urnes?

Bien que les Canadiens n’aient pas donné de mandat clair aux libéraux, Mamadou Ka reste confiant qu’il n’y aura pas de nouvelles élections fédérales déclenchées prochainement.

« Les libéraux ne sont pas prêts à retourner en élection, et les autres partis encore moins puisqu’ils devront certainement se trouver des nouveaux chefs. »

De même, selon des résultats provisoires, du côté des conservateurs aussi, Pierre Poilievre n’est plus en capacité de remporter la circonscription de Carleton, en Ontario qu’il représente depuis 2004. Son adversaire libéral, Bruce Fanjoy, comptait, à date, 50,6 % des suffrages.

« Il devra donc probablement concéder la défaite et démissionner de son poste de chef du Parti conservateur du Canada (PCC) », annonce Mamadou Ka.

Michel Lagacé confirme : « Quand tu perds ta circonscription, surtout chez les conservateurs, les couteaux sortent. »

Quant au Parti vert, sa co-cheffe Elizabeth May a été réélue dans sa circonscription de Saanich-Gulf Islands, mais pas son co-chef Jonathan Pednault dans Outremont.

Schéma politique redessiné

Pour sa part, le Bloc québécois « n’a pas non plus intérêt à déclencher une élection car s’ils se retrouvent dans la coalition de gouvernement, ce qui risque d’être le cas, ils ont maintenant une arme décisive de négociation pour faire avancer leurs intérêts ».

Interrogé, Eric Plamondon souligne que cette soirée électorale « redessiner le schéma politique du Canada. » « Le terrain de jeu politique sera différent de toute façon, même si le Parti libéral est réélu, car ce serait la première fois que Mark Carney est élu ».

Michel Lagacé renchérit : « Avec Mark Carney, il y aura des nouveaux conseillers, beaucoup de changement par rapport à Justin Trudeau. Ce ne sont pas des choses très visibles pour le public, mais c’est très important. »