Que signifie être Métis au Canada, aux Antilles, en Amérique du Sud et ailleurs? Voilà la question qu’ont posée des chercheurs canadiens et européens, dans un récent ouvrage, L’Identité métisse en question.
Par Daniel BAHUAUD.
Qui est Métis? Lors du Troisième atelier international sur l’identité et les cultures métisses, qui a eu lieu à l’Université de Saint-Boniface en 2010, des anthropologues, sociologues et psychologues ont réfléchi sur la complexité de l’identité métisse, afin de comprendre davantage comment les métis de plusieurs cultures autour du monde se reconnaissent ainsi, et comment ils assument leur identité et la revendiquent. Le fruit de ces réflexions a été récemment réuni dans L’Identité métisse en question, publié ce printemps aux Presses de l’Université Laval.
« En publiant L’Identité métisse en question, nous voulions mettre en valeur la complexité de la culture métisse, qui résiste à tout effort de la réduire à un seul facteur, déclare l’anthropologue titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur l’identité métisse de l’Université de Saint-Boniface, Denis Gagnon. Dans différents pays du monde, le métissage est abordé de différentes façons. Au Canada, nous connaissons bien les Métis qui, avec Louis Riel, s’identifient comme “la Nouvelle Nation”, issue de la rencontre des Autochtones et des Européens. Ce modèle est inclusif, qui reconnaît que les Métis sont distincts de leurs ancêtres. Or, d’autres pays ne sont pas aussi inclusifs.
« En effet, au Mexique, le métissage est vu comme une émancipation de l’autochtone, poursuit-il. Un mestizo est perçu comme étant supérieur à l’Autochtone, puisqu’il illustre la réussite de l’intégration sociale au détriment de l’identité amérindienne. »
D’autres pays, comme la France et les États-Unis, ne reconnaissent pas de minorités ethniques sur son territoire. Ainsi, les Métis français ne possèdent aucun statut officiel, bien qu’ils se désignent comme étant des Métis. Aux États-Unis, les Marrons, qui parlent le français et le créole, subissent le même type de discrimination que les Cajuns.
« On fait la banalisation officielle du métissage aux Antilles, en Guyane, au Madagascar, et Nouvelle-Calédonie, sur l’île de la Réunion et en Polynésie française, indique Denis Gagnon. Les peuples mixtes, dans leur créativité, décident eux-mêmes de leur identité et se désignent métissés. »
Selon Denis Gagnon, la situation est cependant en évolution. Le recensement américain de 2000 comprenait pour la première fois la catégorie “Indien d’Amérique en combinaison avec une ou plusieurs races”. Le résultat : 4 119 301 Américains ont choisi cette catégorie.
« Le nombre d’Indiens statué étant de 2 475 956, il y aurait donc 1 643 345 mixed-blood aux États-Unis, indique Denis Gagnon. Les résultats du recensement de 2010 seront encore plus précis à ce sujet, puisqu’il contenait la catégorie Metis Indians. Cette affirmation pourrait aisément marquer le début d’une revendication générale. Cette nouvelle revendication s’observe également en Polynésie française avec l’affirmation identitaire de ceux qui s’identifient comme les Demis. »
Selon le chercheur, le modèle canadien, où les revendications des Métis ont porté et continuent de porter fruit, peut servir d’exemple. « Les Français s’étonnent de constater que les Métis du Canada peuvent obtenir une carte d’identification», souligne Denis Gagnon.
Malgré la difficulté, voire l’impossibilité de réduire l’identité métisse à un seul facteur, les chercheurs s’entendent pour souligner un point commun à toutes les cultures métisses : la discrimination.
« Tous ces peuples ont subi et continuent de subir l’incompréhension des majoritaires, ainsi que la discrimination, rappelle Denis Gagnon. D’où l’importance de la dédicace de L’Identité métisse en question au président de l’Union nationale métisse Saint-Joseph du Manitoba, Gabriel Dufault, qui, pour nous, représente un modèle de détermination et de courage dans sa façon de revendiquer pour une Nation métisse unie et pancanadienne. »