Par Jean-Pierre Dubé
La Liberté du 20 novembre 2013
La députée fédérale de Saint-Boniface s’est engagée à dépenser 2 267 $ en moins lors de la campagne électorale de 2015. C’est la justice obtenue pour les électeurs après deux ans de controverse sur les dépenses admissibles de Shelly Glover. Selon le commissaire aux élections, la conservatrice avait agi de bonne foi. Yves Côté s’est résigné à ce compromis pour tenir compte d’objections sur un apparent manque de directives claires.
Passons. Les élections de 2015 viendront bien assez vite et 2014 se pointe déjà. Shelly Glover en a plein son assiette comme ministre fédérale. Sans compter que trois des six recommandations du Rapport annuel 2012-2013 du commissaire aux langues officielles touchent directement Patrimoine canadien.
Graham Fraser met la table avec cette idée, gracieuseté d’un diplomate en visite, que le français serait la langue de l’ambition au Canada. À preuve, pour la première fois, la majorité des premiers ministres au Canada sont bilingues : « des gens brillants et ambitieux qui veulent comprendre le pays dans son ensemble. »
Le commissaire évoque aussi la nomination de « deux gouverneures-générales de suite arrivées au Canada en tant que réfugiées de minorités visibles » qui sont devenues compétentes dans les deux langues. Les Communes ont aussi adopté unanimement l’an dernier une loi ajoutant la connaissance du français comme compétence requise pour devenir un des 11 officiers du Parlement.
La prochaine étape pour appuyer la progression du français sera d’établir la même exigence pour la magistrature des cours supérieures. C’est l’objectif de Graham Fraser et de ses homologues du Nouveau-Brunswick et de l’Ontario.
Recommandation no. 2. Le commissaire constate que le rôle de coordination horizontale n’apparaît pas dans le budget de la Feuille de route pour les langues officielles 2013-2018. Il demande au président du Conseil du Trésor et à la ministre du Patrimoine de se doter d’ici un an « d’un nouveau cadre de gestion et de responsabilisation » pour sa mise en œuvre.
Recommandation no. 6. Graham Fraser recommande aux deux mêmes ministres « d’ajouter des questions, dans le cadre de leurs évaluations, pour établir l’incidence des compressions budgétaires » entre autres sur la capacité des institutions fédérales à respecter leurs obligations en matière de bilinguisme.
Recommandation no. 4. Le commissaire y réserve son langage le plus direct : « Les données du Recensement de 2011 ont révélé une baisse préoccupante du bilinguisme à l’extérieur du Québec ». Il demande expressément à la ministre du Patrimoine et des Langues officielles « d’établir, d’ici le 31 octobre 2014, des objectifs clairs afin de rehausser le niveau de bilinguisme dans la population canadienne et de renverser le déclin du bilinguisme chez les anglophones, le tout d’ici à 2017. »
Pourquoi 2017? Ce sera le 150e anniversaire de la Confédération, célébrée inégalement, en particulier au Québec. Il n’échappe à personne que le bilinguisme se porte plutôt bien dans la belle province et plutôt mal dans le reste du Dominion. C’est une situation potentiellement explosive.
Comment Shelley Glover s’y prendra-t-elle pour établir des objectifs clairs? Comme Josée Verner en 2007? Deux années de réflexion pour élaborer le Plan stratégique communautaire (PSC) prenait fin avec le Sommet des communautés. La ministre du Patrimoine avait choisi ce moment pour annoncer aux 700 participants la tenue de sa propre consultation nationale pour la première Feuille de route. C’était inqualifiable de ne pas s’inspirer du PSC.
À quoi peut-on s’attendre de la ministre? Sera-t-il suffisant d’assurer le déploiement de la 2e Feuille de route qui a été largement critiquée? Il faudrait prendre les grands moyens. La ministre du Patrimoine pourrait faire ce que ses prédécesseurs auraient pu faire depuis 2007 : prendre acte du scénario pour 2017 du Chantier 1 (Notre population) du PSC. Et entreprendre maintenant sa mise en œuvre.
Au-delà des statistiques, les familles francophones, interculturelles, francophiles et immigrantes redéfinissent chaque jour notre identité et la portée de nos droits. Un bon nombre attend encore l’accès à des services éducatifs de qualité dans la langue de l’ambition.
Le 150e anniversaire fournit à la députée de Saint-Boniface l’occasion de servir à la fois son parti et son pays.