Trois mois se sont écoulés depuis la dernière assemblée générale annuelle de la Société franco-manitobaine (SFM), l’organisme qui représente l’ensemble de la communauté francophone du Manitoba.
Grâce à trois propositions développées et présentées par Raymonde Gagné et Léo Robert qui ont généré beaucoup d’intérêt et de débats, environ 225 personnes ont participé à cette assemblée le 24 octobre dernier, soit plus du double des participants que l’organisme a attiré ces dernières années.
Un nouveau conseil d’administration, incluant le nouveau président Mamadou Ka, a été élu, avec un mandat clair axé sur les trois propositions. Bien des membres de la foule animée, représentant tous les éléments de la communauté, croyaient avoir assisté à un virage historique comme on n’en avait pas vu depuis les États généraux de la fin des années 80.
L’une des trois propositions visait justement l’organisation de nouveaux États généraux de la francophonie manitobaine, dont les derniers remontent à près de 25 ans. Le but de la proposition, adoptée à l’unanimité, est de stimuler un renouveau de la communauté francophone à partir des problématiques et des défis contemporains, notamment les médias sociaux, l’intégration des nombres grandissants de nouveaux arrivants francophones à la communauté, la coordination entre les organismes franco-manitobains qui ont foisonné depuis les années 80, les questions touchant la jeunesse contemporaine et leur relation à la langue française, et ainsi de suite. Les deux autres propositions, également adoptées par de fortes majorités, touchaient à l’éducation et à la formation des membres du conseil d’administration de la SFM. (C’est la plus faible des trois car elle présuppose que les membres de la SFM élisent des représentants qui ne connaissent pas grand-chose de l’histoire franco-manitobaine ni des luttes passées. Si c’est bien le cas, la SFM est vraiment dans un pire état que même les pessimistes le croient!) De toute façon, ces trois résolutions, prises ensemble, constituent un mandat très clair pour l’organisme.
Et depuis? Rien, ou très peu. Il a fallu sept semaines avant que le nouveau conseil se rencontre une première fois, le 10 décembre 2013. Selon le site web de la SFM, le conseil d’administration, à cette occasion, a discuté du dossier de La Liberté et a « entamé une discussion préliminaire » sur la proposition portant sur l’éducation; il a donné suite en rencontrant, le 19 décembre, la Commission scolaire franco-manitobaine.
| Trois mois pour une réunion
Qu’est-ce qui a été discuté? A-t-on adopté un échéancier pour des démarches futures? On n’en sait rien. Le 9 janvier le conseil d’administration a rencontré le Conseil jeunesse provincial, qui avait écrit une lettre ouverte demandant d’être impliqué dans l’organisation des États généraux pour s’assurer que la jeunesse franco-manitobaine serait fortement impliquée dans cette initiative. Évidemment la SFM a été impliquée dans d’autres dossiers depuis l’assemblée générale d’octobre, mais sur les trois propositions principales, bien peu a été fait. On peut lire sur le site de l’organisme qu’une rencontre du conseil d’administration a été « fixée en janvier 2014 » pour « approfondir les discussions et plan d’action quant aux trois propositions adoptées lors de l’assemblée générale du 24 octobre 2013 ». Cela aura donc pris trois mois avant que le conseil d’administration n’ait été saisi spécifiquement de ces trois propositions.
Dans la vie d’un organisme, il y a des moments charnières, des virages qui le propulsent dans une nouvelle direction. Ceux et celles qui étaient à l’assemblée du 24 octobre 2013 avaient l’impression justement de vivre de tels moments, et ont confié à leur nouveau conseil la tâche de maintenir le momentum dans la voie pourtant bien tracée pour lui. Pour l’instant, force nous est de reconnaître qu’il n’a pas saisi l’occasion d’assumer rapidement ce leadership.
Dans mon livre publié en 2012 [1], j’avais lancé l’idée d’une sorte de ralliement quinquennal de tous les organismes francophones manitobains, pour permettre justement aux forces vives de notre communauté de se rencontrer, de se serrer les coudes et de trinquer ensemble autour d’évènements culturels qui viendraient ponctuer les sessions de travail. Ce serait un évènement relativement facile à organiser et qui pourrait donner des résultats inattendus mais sans doute positifs en termes de synergies.
La notion de nouveaux États généraux est bien plus complexe, en ce sens qu’elle implique beaucoup d’organisation, un budget et une organisation échelonnée sur le long terme. Elle ressemble plus, en fait, à un exercice d’animation sociale, puisqu’il s’agirait d’aller chercher une participation de la part de tous les éléments francophones, de toutes les couches sociales et régions géographiques. Il s’agirait ni plus ni moins d’un effort en profondeur pour renouveler le leadership de la communauté en fonctions des nouvelles problématiques propres à notre époque qui auront été cernées durant l’exercice. En principe, cela devrait aboutir aussi à un grand rassemblement, mais pas nécessairement; les derniers États généraux n’ont pas donné lieu à un tel évènement, et c’est peut-être pourquoi les résultats de l’entreprise ont été modestes, comme l’a laissé entendre Lucille Blanchette, la présidente des États généraux à l’époque, dans une lettre récente à La Liberté.
| Des séances publiques
Alors, que pourrait faire la SFM pour reprendre l’initiative face aux États généraux? D’abord nous faire part en détail de ses délibérations à mesure qu’elles se produisent. Si la réunion prévue pour janvier a bien eu lieu, il faudrait qu’on nous le dise et qu’on nous livre le procès-verbal de la réunion, ou au moins un compte-rendu des délibérations. À défaut de cela, on pourrait faire part aux membres de l’organisme des démarches anticipées pour l’avenir, à mesure qu’elles sont entreprises : réunions du conseil d’administration sur la question, rencontres de planification des États généraux avec les organismes, démarches pour assurer le financement de l’évènement, réaménagements administratifs en vue d’assurer l’organisation de l’évènement, étapes prévues pour le déroulement du projet lui-même, etc.
Pour terminer, mentionnons certaines initiatives qui ne coûteraient rien mais qui pourraient rendre la SFM plus pertinente à la vie quotidienne de la communauté. Pour commencer, on pourrait revitaliser le site web de la SFM. Au minimum, la SFM pourrait y publier les dates prévues des réunions du conseil d’administration pour l’année à venir. Ensuite elle pourrait inviter ses membres à y assister, en autres mots, rendre ces réunions ouvertes au grand public, en excluant, bien sûr, les réunions spéciales ou les sessions à huis clos.
À la suite de ces réunions, l’organisme pourrait afficher sur son site les procès-verbaux à mesure qu’ils sont adoptés. Ces quelques démarches, pourtant très simples, pourraient rassurer les membres de la SFM que le mandat accordé au conseil d’administration à son assemblée générale annuelle est en voie d’être réalisé.
Par Raymond HÉBERT
[1] Hébert, Raymond-M., La révolution tranquille au Manitoba français, Éditions du Blé, 2012, p. 343.