Explorer l’histoire d’une famille, c’est invariablement découvrir la communauté où elle a habité. Marie-Claire Granger raconte le passé de Fatima, hameau francophone aujourd’hui disparu.
En 2009, lorsque Marie-Claire Granger s’est mise à explorer l’histoire de sa famille, qui a vécu une vingtaine d’années à Fatima, la Franco-Manitobaine ne savait pas qu’elle allait se mettre à écrire l’historique de ce petit hameau francophone, aujourd’hui disparu.
« J’ai été élevée à Fatima, déclare Marie-Claire Granger. J’avais presque 13 ans quand on a quitté le village, et j’y conserve de beaux souvenirs. Mais c’est seulement après la mort de ma mère, en 2009, qu’une prise de conscience sur l’importance de l’histoire de la famille s’est faite en moi. J’ai alors contacté mes sœurs et mes frères, ainsi que des oncles et tantes qui nous rendaient visite à Fatima. Je cherchais des souvenirs familiaux, des anecdotes amusantes ou des petits détails sur notre vie familiale. »
Comme on pourrait se l’imaginer, les membres de la famille Granger ont répondu avec enthousiasme à l’appel de Marie-Claire Granger. Or, ce qui était plus surprenant, c’est que des anciens de Fatima, et des amis de Fatima, l’ont contactée pour ajouter leur grain de sel.
Résultat : Fatima et lé Granger, petit historique du village. (1)
« J’ai rédigé deux versions, soit une pour le grand public et une autre pour les membres de la famille, explique Marie-Claire Granger. Elles ont le même titre – avec le “lé” qui rappelle le patois local – puisque ma famille y joue pour beaucoup. Mon père Hercule, qui était fermier, était très engagé dans sa communauté. Il a été commissaire d’école, et paroissien actif. »
| Une communauté disparue
Situé à quelque 25 km de Saint-Georges, Fatima a été fondé en 1949, alors que l’Archidiocèse de Saint-Boniface, cherchant à répondre aux besoins des familles francophones qui s’étaient établies dans la région, a fait construire l’église de Notre-Dame-de-Fatima.
« C’était une paroisse, avec son propre curé, raconte Marie-Claire Granger. La plupart des familles étaient originaires de Saint-Georges. Il y avait des Chèvrefils, des Vincent, des Desbiens et des Fontaine. D’autres étaient venues de Saint-Eustache et même de la Saskatchewan. C’était un village à prédominance canadienne-française, bien qu’il y avait une ou deux familles anglophones, et les Granger qui sont Métis. Certains travaillaient à la scierie locale, et d’autres se rendaient jusqu’à Powerview pour travailler au barrage hydroélectrique. Mais la plupart des gens se sont installés pour cultiver la terre et élever du bétail. Le sol n’était pas de la meilleure qualité, et les fermiers ont éprouvé beaucoup de difficulté à défricher leurs quarts de section. Fatima n’a jamais été un village de riches. »
En effet, à son apogée, vers 1960, Fatima comptait une centaine d’habitants. Par contre, une vie familiale et communautaire active était possible, grâce à la paroisse et l’école du village. Et, comme le souligne Marie-Claire Granger, plusieurs Franco-Manitobains de renom y ont fait escale.
« Le compositeur, Marcien Ferland, et l’annonceur de CKSB, André Martin, ont enseigné à l’école de Fatima, souligne-t-elle. De plus, Réal Bérard est passé pour faire des cartes des cours d’eau de la région. »
Malgré l’établissement, en 1954, d’un chemin de gravier qui a remplacé un sentier de terre difficile à emprunter, Fatima n’a pas pu établir des racines profondes dans la région.
« La scierie a fermé ses portes, et plusieurs ont quitté le village pour travailler dans l’industrie du bois en Colombie-Britannique, explique Marie-Claire Granger. D’autres, comme mes oncles, ont essayé de peine et de misère de faire de l’agriculture, pour quitter après quelques années. Et puis l’école a fermé ses portes en 1962, ce qui a rendu difficile de s’établir avec sa famille. »
En fait, la plupart des familles ont quitté le hameau entre 1964 et 1966, année de la fermeture de la paroisse. « Ma famille y est restée jusqu’en 1973, raconte Marie-Claire Granger. Je crois que mon père s’était vraiment attaché à la région, malgré les difficultés. Mais éventuellement, il a du se plier à l’évidence. »
Une fois le fruit de ses recherches initiales terminé, Marie-Claire Granger a donné des copies imprimées de Fatima et lé Granger à la bibliothèque Allard de Saint-Georges, au Centre du patrimoine à Saint-Boniface, et à l’Archidiocèse de Saint-Boniface. Or, son livre, en version électronique, demeure un travail en cours.
« Lorsque je découvre un nouveau détail, ou que je rencontre un autre ancien de Fatima, j’ajoute les données pertinentes au livre, souligne Marie-Claire Granger. Récemment, j’ai effectué une importante mise à jour d’une carte de Fatima et de la région. Les mises à jour ne sont pas une corvée. Au contraire, c’est un plaisir. Faire la redécouverte de Fatima a été pour moi une exploration de mes racines personnelles et familiales, mais francophones aussi. J’ai l’impression d’avoir fait un petit cours sur une tranche de l’histoire du Manitoba. »