Par Jean-Pierre Dubé
La Liberté du 26 novembre 2014
Il est des jours où l’on a l’impression que des agents fédéraux arpentent la rivière Rouge pour voler notre espace et nos services. Ça demande une bonne paire de babines pour les dénoncer et de bottines pour mettre le pied sur leurs chaînes. Mais ce n’est pas la peine de se réfugier dans le proverbial Nord-Ouest comme à l’époque.
En fait, on peut rester chez nous et fuir virtuellement n’importe où. Il y a le réseau des communautés francophones et acadiennes, celui des Amériques gravitant autour du Québec et la Francophonie internationale avec ses pôles européens et africains. Ce n’est pas rien.
On est 274 millions qui parlent français. Quelque 30 millions de cousins américains seraient francophones ou francophiles. Environ 1,5 million d’entre eux étudient le français de la maternelle à l’université. Un autre 1,3 million le parlent à la maison.
Les Franco-Américains sont absents de notre conscience parce qu’on ne reçoit pas d’octrois pour les rencontrer. Mais ils ont un réseau éducatif comptant plus d’enseignants que dans nos milieux minoritaires. En affaires, nos voisins ont l’occasion et la capacité de travailler en français. Bien de nos artistes de la scène ont saisi le potentiel du marché américain.
On peut faire partie du réseau panaméricain en devenant membre (votant) du Centre de la francophonie des Amériques. Créé par Québec en 2008, il compte 20 000 membres qui construisent des liens et élaborent des projets sur le terrain.
Le réseau de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) tiendra son 15e sommet au Sénégal les 29 et 30 novembre. Citoyens et organismes gravitent autour de l’OIF, mais les membres sont 77 gouvernements qui se penchent sur le développement des pays membres. Et non sur les traumatismes post-compressions en milieu minoritaire.
Le français serait la 2e langue la plus enseignée au monde, la 3e des affaires, la 4e sur Internet. L’Afrique est le groupe dominant avec 54,7 % de locuteurs. Pour soutenir sa croissance, elle aura besoin de deux millions d’enseignants francophones d’ici dix ans. Volontaires?
La francophonie a crû de 50 millions de locuteurs depuis 2010, annonce l’OIF. Cette hausse repose entre autres sur un nouveau calcul inclusif de tous les identifiants francophones, sans égard aux origines et cultures. La sénatrice Maria Chaput et la Société franco-manitobaine ont eu la même idée en demandant de moderniser la Loi sur les langues officielles.
Les Manitobains font partie de la francophonie. Les parlants français chez nous viennent de partout. Et qui n’a pas d’amis et de famille éparpillés sur les cinq continents? La diversité, on connaît : on a construit une province avec.
La diaspora franco-manitobaine demande d’être interpelée et reconnue. Il serait temps de l’accueillir dans un congrès mondial. La plus récente manifestation du genre, le Grand rassemblement du siècle, a permis à l’Université de Saint-Boniface de réunir 2 000 personnes en 1992 pour marquer mémorablement son centenaire.
L’USB possède un réseau d’anciens lancé en 1988 pour assurer son développement académique et financier. Où sont-ils et combien sont-ils? L’institution organise un deuxième rassemblement en juillet 2018 pour marquer 200 ans d’éducation française à Saint-Boniface. Elle a eu l’excellente idée de rallier la communauté à cette initiative.
C’est l’occasion rêvée pour une fête franco-manitobaine mondiale. Et pour se brancher avec tout ce monde dans un réseau permettant de se mobiliser et de construire une nouvelle autonomie. On est plus nombreux qu’on pense.
Le français n’est pas un enjeu local. Notre place est dans le grand portrait. Marchons sur nos chaînes.