Par Bernard Bocquel
La Liberté du 18 mai 2016
Comme la directrice et rédactrice en chef Sophie Gaulin a eu le grand plaisir de vous l’annoncer voilà une couple de semaines, votre journal a une nouvelle fois récolté sa part d’honneurs au sein de la grande famille des hebdomadaires de langue anglaise et française par le biais de Community Newspapers Association Awards.
Des prix, il faut le souligner, qui reconnaissent à la fois la qualité rédactionnelle de La Liberté, de sa présentation graphique et des idées qui germent au sein de La Liberté Réd, le département de services en rédaction, graphisme, marketing, communication et production vidéo. Car pour être ce qu’elle est aujourd’hui à la veille de ses 103 ans, La Liberté née le 20 mai 1913 a dû devenir plus qu’un journal. La Liberté est plus que jamais appelée à relever les défis du monde moderne, aux prises avec une poussée technologique sans précédent.
Dans le champ médiatique, celui qui nous préoccupe avant tout, les développements phénoménaux des moyens technologiques ont en effet permis la multiplication des supports en mesure de proposer du contenu : musique, films, textes, et idées en tous genres. Ces moyens technologiques, lorsque mis au service d’entreprises toujours axées à faire consommer plus, sont en train d’étouffer les hautes valeurs qui sont à la base d’une culture capable d’assurer une colonne vertébrale directrice à une société.
Nous vivons, il faut le reconnaître, dans le rythme d’un monde où l’effort n’est exigé que durant les heures de travail et où le reste du temps se résume trop souvent à une plongée dans le divertissement. Une fuite en avant dont l’une des conséquences tant déplorée par les esprits soucieux d’élévation est l’atomisation de la société. Or, fondamentalement, les humains ont besoin d’entretenir et de développer leur volonté d’être ensemble, de collaborer pour créer et maintenir sains leurs milieux de vie, où trop souvent règne aujourd’hui la loi du « Moi, Moi, Moi ».
Il s’agit-là d’un nombrilisme à l’excès qui ne peut que refroidir les liens entre nous. Un état de fait déplorable, puisque c’est de chaleur humaine dont nous avons besoin pour que des liens significatifs se tissent entre personnes. Car ce sont de personnes dont nous avons besoin pour bâtir une société, et non pas d’une série d’individus plus ou moins interchangeables. Construire une société plus humaine, plus respectueuse de son environnement, exige des envies de tisser des liens personnalisés.
À La Liberté, nous ne vous voyons pas comme des consommateurs, mais comme des lectrices et des lecteurs animés par un sens des responsabilités ancré dans leur volonté personnelle de réussir un projet de vie bilingue; un de ces projets de vie qui a à la fois pour exigence et pour but de garder l’esprit ouvert aux autres. Des projets de vie qui, fédérés par le lien réciproque qu’est un journal, peuvent évoluer en projet de société.
En cette période d’États généraux de la francophonie manitobaine, la notion de « projet de société » flotte ici et là dans l’air. Aucun doute n’est permis sur le fait qu’il est possible de proposer pareille ambition à cause de l’existence même du journal, créateur de liens par excellence depuis ses origines. Semaine après semaine, année après année, décennie après décennie, de rendez-vous en rendez-vous, votre journal a assuré la pérennité de liens entre les diverses communautés villageoises francophones, entre les multiples organisations et associations qui ont soutenu la vie en français dans la Province du Milieu.
Ces liens noués exigent d’être constamment entretenus. Si bien que vous êtes pour nous non seulement des lectrices et des lecteurs, mais par-dessus tout des collaboratrices et des collaborateurs au projet le plus fondamental qui nous intéresse : celui de permettre le développement d’une société de bilingues au Manitoba. Là niche le secret profond de notre longévité : dans la réciprocité de nos liens. Au fond, tout notre travail consiste à nourrir cette réciprocité en consolidant notre capacité de produire du contenu pensé, conçu, écrit chez nous.
À 103 ans, La Liberté est un journal reconnu qui remporte, année après année, des prix. Nous sommes l’outil primordial dont la mission clé est de soutenir des projets de vie personnels afin qu’ils puissent se développer en projet de société. Voilà pourquoi nous sommes un service public. Voilà pourquoi nous sommes votre bien commun.
Votre Liberté, c’est une énergie fédératrice, c’est l’indispensable présence qui vous permet de sentir votre existence personnelle soudée à toutes celles et tous ceux qui partagent votre désir d’être vous-mêmes, et toujours plus vous-mêmes.
Par Bernard Bocquel