Par Bernard Bocquel
La Liberté du 15 juin 2016
Non, ceci n’est pas un éditorial. C’est une offre d’emploi. À ce stade-ci peut-être pour nous la meilleure manière de récuser l’ébauche préparée par la firme PGF Consultants d’un « Plan stratégique de la communauté francophone du Manitoba » sous-titré « Ensemble vers 2035… ». Nous osions espérer une narrative stimulante, ancrée dans notre histoire. Nous nous retrouvons face à une liste de vœux pieux qui espère sauver une entreprise qui vivote.
En effet, toutes nos précédentes tentatives de faire valoir l’exigence de s’interroger sur les valeurs – personnelles et collectives -nécessaires pour inspirer un avenir au bilinguisme manitobain n’ayant pas trouvé d’écho, autant se montrer positif et rêver à une excellente offre d’emploi.
Du moins en attendant une prise de conscience plus poussée des personnes pour lesquelles l’aventure du bilinguisme est un projet de vie fondé sur de vraies valeurs, notamment un besoin d’aimer et de veiller à son propre dépassement. Cette offre d’emploi reprend quelques éléments du rapport des consultants. Elle relève donc par sa nature même d’une simple description de tâches.
FRANCOPHONIE DU MANITOBA INC
est une entreprise à responsabilité limitée, une sorte d’écosystème mis en place par l’argent du gouvernement fédéral à partir des années 1970 pour assurer une présence francophone dans la Province du Milieu en maximisant le rapport subventionneur-subventionné.
Si vous vous sentez prêt à relever des défis impossibles du fait d’un manque constant de vraie volonté politique, vous devriez songer à postuler pour la charge de Missionnaire en chef. Comme certains groupes ont besoin de s’inventer un passé faute de foi dans leur avenir, d’autres collectivités ont besoin de s’inventer un avenir situé en 2035 afin d’avoir une raison d’être entre-temps.
Puisqu’une connaissance approfondie de la communauté francophone du Manitoba est un indiscutable prérequis, vous connaissez déjà intimement les principaux défis : déclin du fait français depuis au moins 60 ans, inertie et désengagement communautaire, ressources et services limités, faiblesse du leadership.
Vous acceptez aussi notre VISION 2035, exprimée ainsi en version courte : « Riche de sa diversité, la communauté francophone du Manitoba est en pleine vitalité. Tous les membres de la communauté peuvent vivre en français dans tous les aspects de leur vie quotidienne. Fiers de leur identité et de leur culture francophone, ils sont engagés activement pour assurer la pérennité de la communauté et du Manitoba. »
Notre offre d’emploi s’appuie sur « cinq axes stratégiques hautement complémentaires » qui contiennent chacun des « pistes d’action potentielles », afin que « la communauté francophone se dote de référents inclusifs et mobilisateurs ». Vous voudrez bien traduire ce code bureaucratique dont sont friands les bailleurs de fonds par : Voilà la marche à suivre de notre travail, qui exige surtout de ne plus penser « en silo », mais plutôt « transversalement ».
Vous aurez déjà compris que les « pistes d’actions potentielles » constituent votre impératif, dûment établi par les consultants d’Ottawa. Comme postulant sérieux, vous allez donc devoir, entre autres parmi plus de 70 objectifs corporatifs :
- développer et mettre en œuvre une stratégie de valorisation du bilinguisme dans les milieux de travail, aux niveaux municipal et provincial et dans l’économie;
- lancer un processus et une démarche intégrée pour l’obtention de la reconnaissance de la valeur ajoutée du bilinguisme pour la province et, ultimement, du statut bilingue pour le Manitoba;
- renforcer la qualité du français et offrir aux élèves/étudiants une base linguistique et culturelle apte à contrer l’insécurité linguistique et servir de moteur d’épanouissement et de développement économique;
- valoriser la mobilité francophone afin de permettre, en particulier à la jeunesse, de vivre des expériences significatives dans un environnement francophone majoritaire;
- mettre de l’avant des initiatives pour valoriser les productions artistiques locales et encourager leur diffusion à l’extérieur de Saint-Boniface.
Mais attention : attendez la validation du document par vous-mêmes avant de soumettre votre candidature qui sera traitée, avec tout le respect dû aux missionnaires, à l’AGE de la SFM du 27 octobre 2016, qui suivra l’AGA de la SFM du 13 octobre.