La Liberté est allée à la rencontre de citoyens et membres du personnel médical pour recueillir leurs avis sur la dernière réforme de santé mise en place par le gouvernement Pallister. Un plan de restructuration qui prévoit notamment la requalification de quatre urgences de Winnipeg au Misericordia Health Centre, l’Hôpital Seven Oaks, l’Hôpital Victoria et celui de Concordia, accompagnée d’une recentralisation de certains services. De nombreuses reconversions et suppressions d’emplois sont encore à prévoir dans le secteur médical.
Par Léo GAUTRET
IBRAHIM ALJADA, Docteur à l’Hôpital Saint-Boniface:
« Je ne suis pas au courant de tous les détails, mais ce que j’en comprends c’est que presque la moitié du budget du Manitoba est dépensé dans les soins de santé. Ce qui veut dire qu’il ne reste plus grand-chose pour les infrastructures de la ville, l’éducation, l’entretien des rues et tout le reste. Le budget santé augmente chaque année, ce qui veut dire que dans quelques années les deux tiers du budget du Manitoba seront dépensés pour garder les gens en vie pour toujours. Ça n’a pas de sens. C’est tellement égoïste pour ma génération d’avoir des enfants et de vouloir nous garder en vie pour toujours. Qu’est-ce que l’on fait pour eux? On ne leur laisse rien du tout. […] Cette idée de maintenir en vie à l’éternité des personnes âgées qui ne contribuent plus à la santé économique du pays, ça va détruire notre économie. C’est la réalité, qu’on l’aime ou qu’on ne l’aime pas, bien qu’elle soit dure à entendre, et que personne ne veuille en parler. On ne peut pas continuer comme ça. […] Je ne vote pas conservateur, mais libéral, mais dans le cas des soins de santé, je supporte absolument l’idée qu’il est temps de prendre des décisions difficiles. On se doit de les prendre et de voir qui mérite ou ne mérite pas de recevoir ces soins de santé parce que ça coûte cher, et que la politique de santé est très onéreuse et peut détruire n’importe quelle économie saine. Il n’y a pas de bon système de santé qui porte préjudice à la santé économique globale. C’est aussi simple que ça. C’est un système voué à la faillite. Et ici au Canada nous avons de longues files d’attentes, les gens ont besoin d’attendre des mois pour les procédures, ça ne ressemble plus à un pays développé. »
ANONYME, Employé comme personnel de soutien de l’Hôpital Saint-Boniface:
« Je pense qu’il n’y a pas besoin de cette réforme du système de santé. On a déjà l’un des pires temps d’attente au Canada. Les gens attendent pour des IRM, des procédures lourdes pour sauver leurs vies, c’est trop long, ils en ont marre. Au début, je croyais que c’était une bonne idée quand ils se sont attaqués à l’administration qui est surpeuplée à l’Office régional de la santé de Winnipeg à cause du Nouveau Parti démocratique (NPD). Le NPD a créé beaucoup de jobs de bureau pour des costumes-cravates aux gros salaires qui ne font pas grandchose. Alors j’étais d’accord avec eux pour couper ces postes en administration et en gestion mais maintenant, ils attaquent en première ligne alors qu’ils disaient qu’ils n’allaient pas le faire. Les infirmiers, le personnel de la sécurité et d’autres perdent leur travail. À peu près 300 postes ont été supprimés à l’Hôpital Saint- Boniface, et maintenant ils doivent trouver de nouveaux jobs dans différents domaines. Concernant la fermeture des centres d’urgence, je ne suis pas totalement en désaccord. À Winnipeg on a beaucoup d’hôpitaux comparé à d’autres villes où il y a deux ou trois grands hôpitaux avec moins d’habitants. Alors je suis d’accord avec le fait de centraliser les services d’urgence mais ce n’est pas ce que l’on voit. Ce que l’on voit, c’est qu’ils coupent des postes, et on dirait qu’ils n’ont pas vraiment de plan puisqu’ils discutent encore de ce qui doit se faire pour gérer le nombre de patients. Alors malheureusement même si je suis pour la réforme de centralisation des services pour une meilleure gestion des malades, il semble qu’ils ont simplement supprimé des postes, sans faire grand-chose pour régler les problèmes en profondeur. Et ça fait un peu peur. »
TARA SOARES, Infirmière au Misericordia Place Personal Care Home:
« Je ne suis pas du tout pour cette réforme. Il y a trop de changements et les gens ne vont pas pouvoir accéder aux soins auxquels ils ont besoin. Je pense que mon travail est plutôt protégé par rapport à ces suppressions de postes, mais beaucoup d’employés vont perdre leur travail. Énormément de patients passent par les soins d’urgence, et maintenant il n’y en a plus par ici, donc ils vont se diriger vers le Centre des sciences de la santé qui est plus proche de chez eux, mais qui sera saturé. »
CAREY MURRY, Winnipégois en attente d’une chirurgie:
« J’attends une trans plantation cardiaque, donc j’espère que tout ne va pas changer pour moi. Il semble qu’il fallait faire quelque chose. Ces coupures en santé ne vont pas impacter tout le monde, mais je pense que c’est quand même assez incontrôlable. Ce n’est probablement pas une bonne chose pour les hôpitaux de Winnipeg à court terme, pour le moment pour moi tout est assez confus. »
TED DODD, Winnipégois:
« Je ne suis pas favorable à toutes ces restrictions, notamment la réduction des services médicaux, je pense que c’est ça qui nous fait retourner en arrière. Je ne comprends pas cette volonté de centraliser certains soins médicaux. Ça signifie que les plus pauvres qui ont besoin de ces services ne vont pas forcément pouvoir se déplacer jusqu’à eux s’il n’y a pas de transport en commun près de chez eux. »
LAUREEN BRANDSON, Winnipégoise:
« Je ne connais pas énormé – ment la question, mais pour moi c’est une décision contre pro – ductive de réduire les urgences au minimum. J’attends de voir, mais ça ne ressemble pas à une bonne chose, car les gens vont devoir prendre leur voiture et faire beaucoup de kilomètres avant d’arriver aux urgences. »