Ilana Pichon est une artiste visuelle québécoise. Après plusieurs mois de résidence artistique au Martha Street Studio, elle conclut son été manitobain en participant au festival Wall-to-wall. Elle laisse sa marque définitive dans la rue Sherbrook, avec une murale graphique et colorée sur la devanture de la boutique EMK clothing, nommée Fragments.
Par Morgane LEMÉE
Difficile de choisir une seule réponse lorsque l’on demande à Ilana Pichon d’où elle vient. Née en Suisse, elle a ensuite grandi en France, puis vécu en Italie. L’Europe a clairement forgé une grande partie de son identité. À l’âge de 20 ans, elle quitte ce continent pour s’installer dans la ville de Québec, qui est toujours son nid actuel. Aujourd’hui, cette globetrotteuse découvre pour la deuxième fois le Manitoba. « J’aime beaucoup Winnipeg et sa douce frénésie. Je m’y balade à vélo et j’observe sa tranquillité, sa douceur, ses mouvements lents. Cela stimule ma créativité. Je m’y sens comme à la maison. »
Son domaine de prédilection ? L’art visuel. Plus particulièrement l’art imprimé, la sérigraphie ou bien l’art mural. De manière encore plus spécifique, elle travaille l’art in situ : une méthode artistique qui dédie l’œuvre à son site d’accueil. Chacun de ses projets se réalise en accord avec son espace. C’est sa marque de fabrique. « C’est encore plus marquant avec une murale, car mon atelier est en extérieur. Les passants s’arrêtent et posent des questions, et contribuent ainsi à l’œuvre. Ensemble, on redécouvre nos villes, nos rues, et on participe à embellir notre espace public à tous. »
C’est dans le cadre d’une résidence artistique qu’Ilana Pichon a effectué ses deux séjours manitobains. Grâce au Conseil des Arts et des Lettres du Québec, elle obtient une bourse et réalise un projet de recherche artistique à la galerie d’art Martha Street Studio. Son inspiration ? Le trajet en voiture entre le Québec et le Manitoba. Au long de ces 2 500 kilomètres, elle s’arrête 17 fois, chaque fois pour s’imprégner du paysage. « Que ce soit une route, un pont, une barrière, je m’arrêtais chaque fois que je sentais qu’un endroit allait nourrir ma mémoire de l’espace. »
De fil en aiguille, Ilana Pichon est mise en contact avec le collectif d’artistes manitobain Synonym Art Consultation. Dans le cadre de leur festival Wall-to-wall, ils lui proposent de réaliser sa propre murale. Un mur entier à elle toute seule? Le rêve! « C’est sûr que je n’allais pas refuser. J’étais surexcitée! J’ai donc prolongé mon séjour à Winnipeg pour ce projet. »
Après quatre jours, la murale est terminée. Très graphique, colorée, à motifs géométriques, Fragments est bel et bien signée Ilana Pichon. Immortalisée sur deux portes coulissantes et leurs deux murs, cette œuvre représente quatre roches en rotation dans l’espace.
L’espace. Encore une fois le mot-clé de son art. Formée en architecture, elle s’est inspirée de l’environnement de la rue Sherbrook pour réaliser cette murale. L’architecture des maisons, la singularité de leurs pignons qui s’entrecroisent, l’énergie des passants. Comme en sérigraphie, chaque couche a son histoire. Et, comme l’in situ le veut, le but final est de refléter le plus possible l’environnement-même de son œuvre. « Je me suis inspirée de plusieurs maisons du quartier pour réaliser les quatre roches en rotation que représente Fragments. Quatre toitures différentes, quatre pignons différents, pour quatre motifs différents. C’est ma propre traduction de la culture et de l’ambiance de cette rue, et à plus grande échelle, de l’atmosphère de Winnipeg. »
Synonym Art Consultation
Synonym Art Consultation est un collectif d’artistes fondé par Chloe Chafe et Andrew Eastman. L’un poète, l’autre artiste visuelle, ces deux amoureux d’art et de Winnipeg ont unis leurs divers talents en 2012 derrière le nom « Synonym » pour une simple mission : faire vivre et grandir le monde artistique de Winnipeg, au travers d’événements, d’ateliers, d’activités, de résidences et de nombreuses collaborations. « Nous voulons rendre l’art accessible à tous. L’art n’a pas besoin de se retrouver entre les quatre murs d’une galerie, et ne se destine pas non plus à un seul type de personne. Alors quoi de mieux que la rue, celle qui est à tout le monde, pour rendre l’art accessible? C’est un type d’art urbain que nous essayons de développer à Winnipeg. »
L’apogée de leur année se traduit par un festival d’art contemporain et de rue : Wall-to-wall. Du 1er au 30 septembre 2017, cette 4e édition du festival urbain regroupe de nombreux artistes, manitobains ou venant de tout le pays. Treize murales au total seront réalisées à travers la ville.
Le bouquet final de ce mois-marathon d’art se déroulera lors de Nuit Blanche, le 30 septembre 2017. Cette soirée d’inauguration de murales, entre le quartier de la Bourse et le North End, promet musique, communauté, art et culture, jusqu’au bout de la nuit.