Originaire de l’Abitibi-Témiscamingue, Rémi Boucher est un des grands de la guitare classique. Virtuose reconnu mondialement pour ses interprétations fougueuses et ses innovations sur le plan de la technique, l’invité de la Société de guitare classique de Winnipeg donnera des cours de maîtres et un spectacle (1). Entretien avec un artiste aussi passionné qu’habile.
Par Daniel BAHUAUD
Votre répertoire est des plus variés. À Winnipeg vous allez jouer du Bach, des pièces très connues, comme la Malaguena d’Ernesto Lecuona, et des adaptations d’airs traditionnels propres aux violoneux…
R. B. J’ai beaucoup voyagé et vécu dans plusieurs pays : Suisse, Belgique, Espagne. Chaque pays est fier de sa culture, qui marque splendidement la force de son identité particulière. Les peuples filtrent le meilleur d’eux-mêmes par l’entremise de la musique. Émotionnellement touché par ces cultures, je me nourris des qualités esthétiques de la musique ethnique. C’est un terrain très fertile, duquel plusieurs compositeurs ont profité.
Vous avez sans doute votre propre identité culturelle et musicale…
R. B. Bien sûr! J’ai beaucoup d’affection pour le répertoire traditionnel. Mon oncle Simon était violoneux. C’est avec lui et ma mère, qui est guitariste amateure, que j’ai commencé à faire de la musique. J’avais cinq ans. J’ai d’abord appris à jouer du violon. Simon est décédé il y a quelques années. En sa mémoire, j’ai arrangé et composé ma Suite à Simon, sur la thématique des valses qu’il jouait, comme la Sir John A. MacDonald Waltz de Graham Townsend ou la Poor Girl’s Waltz d’Andy DeJarlis.
Cette suite contient également une de vos compositions…
R. B. Oui, la Tiina’s Waltz, composée pour mon épouse, qui est elle aussi musicienne. Je me suis inspiré des traits de sa personnalité. Tiina adore les fleurs, la nature… J’ai aussi composé des variations sur le Reel de Sainte Anne.
Transcrire à la guitare des pièces écrites pour le violon, ça ne doit pas toujours être évident…
R. B. Il faut que la pièce musicale ait d’abord des qualités et des caractéristiques semblables à celles de la guitare. La guitare est un instrument polyphonique, ce qui permet d’écrire des arrangements assez complexes. Je porte une attention particulière au phrasé et aux articulations de la composition originelle. Et puis j’expérimente, en ajoutant des accords ou une mélodie supplémentaire, un contrepoint.
Vous avez transcrit la célèbre Chaconne pour violon solo de Bach. Un morceau tellement complexe qu’on a souvent l’impression d’entendre deux violonistes…
R. B. C’est vrai! Cette impression d’entendre deux instruments, c’est justement une des forces de la guitare classique. Surtout que j’ai développé une technique où je me sers de mon pouce comme plectre. À la base, c’est une technique du flamenco très connue, l’Alzapua. Mais j’ai l’ai poussée au point où je peux faire des arpèges, des gammes et des trilles avec le pouce, surtout sur les cordes basses de la guitare. On a l’impression qu’une main supplémentaire s’est mise à jouer l’instrument.
Ce qui exige sans doute beaucoup de pratique…
R. B. Je n’ai pas peur du travail! Quand je joue et quand j’expérimente pour pousser plus loin ma technique, je m’y mets complètement. C’est mon tempérament, une sorte de mélange de passion et de persévérance.
C’est que je suis animé par mon amour de la guitare classique. Après le violon, j’ai joué de la guitare électrique. À l’école, quand j’ai voulu étudier la musique plus formellement, l’option guitare classique s’est présentée à moi. À ce moment-là, je savais que je serai guitariste. Cela dit, j’aimais beaucoup de genres musicaux. Ce n’est vraiment qu’à 19 ans que j’ai choisi le classique. J’aime avoir le contact le plus direct possible avec la corde pour produire un son, sans intermédiaire, comme un amplificateur. Enfin, le classique, c’est aussi 500 ans de répertoire. C’est ce qui m’a le plus séduit.
(1) Le concert de Rémi Boucher aura lieu le 18 novembre à 20 h à l’église du Précieux-Sang, 200, rue Kenny à Saint-Boniface.