Le Perche, plus que la région qui a donné son nom aux imposants chevaux de trait, est une province du Nord-Ouest de la France, située dans sa majeure partie en Normandie. Retirée, naturelle, discrète, cette région regorge d’histoires et surtout, d’Histoire canadienne.

Par Morgane LEMÉE

À Tourouvre, se trouve le seul Musée d’envergure de l’émigration française au Canada de France. Jonathan Stanic, son directeur depuis août 2017, partage ses secrets avec passion.

Petit point d’histoire d’abord. Au 17e siècle, la France s’établit en Amérique du Nord. À son apogée, le territoire de la Nouvelle-France s’étend du golfe du Saint-Laurent au delta du Mississippi, en passant par la Baie d’Hudson, les Grands Lacs, le lac Winnipeg et la rivière Ohio. Le régime français dure plus de 150 ans.

Jonathan Stanic est historien de formation : « On sait qu’il y a entre 27 000 et 33 000 Français qui ont traversé l’Atlantique durant cette période, jusqu’à la fin de la Nouvelle-France, en 1763. Leur grande motivation était les terres. Au dernier compte, parmi eux, 324 Percherons étaient partis. »

Beaucoup de Bretons, de Normands, mais peu de Percherons. Alors, pourquoi une telle importance mise sur leur émigration au Canada? « La particularité des Percherons est qu’ils sont partis très tôt, vers 1634, et qu’ils sont restés sur place. Et surtout, ils ont été très actifs. Ils ont eu beaucoup d’enfants, comparés aux émigrants des autres régions de France. »

C’est pourquoi on retrouve beaucoup de noms originaires du Perche chez les Canadiens français. « Parmi les patronymes du Perche il y a les Tremblay, les Gagnon (s’élevant à 500 000), les Gagné, et les Guyon, qui ont donné les Dion d’Amérique, dont Céline Dion. Il y a les Cloutier aussi, dont l’ancêtre Zachary Cloutier serait à l’origine de presque 80 % des Québécois francophones. »

En France, une association Perche-Canada a vu le jour en 1957 pour retracer les liens entre le Québec et le Perche, et ensuite entre l’ensemble du Canada et le Perche.

Situé symboliquement au 15, rue du Québec, le Musée de l’émigration française au Canada à Tourouvre a pour mission d’attirer davantage de Nord-Américains. Parmi les 500 à 700 visiteurs annuels du Musée, beaucoup sont à la recherche de leurs ancêtres, explique son directeur. « On aide parfois nos visiteurs de l’autre côté de l’océan à parfaire leur arbre généalogique (1). Autour de la ville, ils peuvent également visiter les maisons des anciens pionniers. »

Les trois principales villes d’émigration percheronne au Canada sont Mortagne-au- Perche, Saint-Cosme-en-Vairais et Tourouvre. Cette dernière a été choisie en 2006 pour accueillir le musée. « La scénographie du Musée de l’émigration a été conçue à Montréal. Le gouvernement canadien a d’ailleurs participé à la construction du Musée. Des ambassadeurs viennent régulièrement. Nous essayons de garder des liens forts avec le Canada. »

Le Musée, de facture contemporaine, présente cinq thématiques qui retracent le parcours historique et ethnographique de l’épopée d’un Percheron vers la Nouvelle-France. Jonathan Stanic : « On montre comment la traversée de l’Atlantique pouvait être très compliquée pour des jeunes Percherons français. Et aussi comment ils se sont alliés avec les Autochtones. Ils se sont inspirés d’eux, car les Français l’ont très vite compris : sans les populations autochtones, ils ne survivraient pas. »

L’institution met aussi l’accent sur l’importance de la francophonie et des descendants présents au Canada. « On aimerait pousser la recherche plus loin au Musée, notamment sur l’émigration contemporaine, mais aussi sur l’Histoire autochtone. »

(1) Pour toute question, contactez Jonathan Stanic :[email protected]


D’où viennent les francos aujourd’hui?

Pour la population immigrée dont la première langue officielle parlée est le français seulement, les chiffres montrent que ce groupe linguistique au Canada a été alimenté par un même ensemble de dix pays, tant en 1991 qu’en 2011.

En 1991, la France comptait 11 225 émigrés vers le Canada, suivie (dans l’ordre décroissant du nombre d’immigrés francophones) des États-Unis, la Belgique, Haïti, le Liban, l’Île Maurice, le Maroc, l’Égypte, l’Italie et la Suisse.

En 2011, la France comptait 16 050 immi – grants au Canada, suivie par Haïti, la République démocratique du Congo, l’Île Maurice, les États-Unis, le Maroc, le Liban, la Belgique, l’Algérie et l’Égypte. (1)

(1) Source : Statistique Canada