2,7 milliards $ sur cinq ans, avec des investissements ciblés pour l’immigration francophone, les arts et la culture, les services de garde, l’éducation et les espaces communautaires. Les détails sont à venir. Le nouveau Plan d’action du gouvernement fédéral 2018 – 2023 répond-t-il aux besoins de la francophonie en milieu minoritaire? Christian Monnin, le président de la Société de la francophonie manitobaine, présente sa perspective.
Par Daniel BAHUAUD
Les organismes porte-parole des communautés francophones ont chaleureusement accueilli le Plan d’action. Qu’en pensez-vous?
Dans ses grandes lignes, le Plan d’action est certainement une bonne nouvelle. À bien des égards, c’est un grand virage positif. Il y a du jamais vu, comme l’élaboration d’une stratégie d’immigration francophone pour les communautés minoritaires. Je comprends que le Plan d’action ait été accueilli avec une certaine euphorie.
Il ne faut pas oublier qu’il était grandement attendu. Le gouvernement Trudeau avait créé des attentes par le fait même qu’il avait consulté les communautés en 2016. L’intention était de nous écouter. Je crois que la ministre Joly et le Premier ministre Trudeau ont été fidèles à cet engagement.
Justement, Mélanie Joly, la ministre du Patrimoine canadien, a parlé d’un financement « historique »…
2,7 milliards $, ce n’est pas une somme négligeable. Surtout que pendant plus de dix ans nos organismes éprouvaient beaucoup de difficulté à mener à bien leurs projets. Le Plan d’action devrait leur être une bonne bouffée d’oxygène.
Surtout que le financement a été augmenté de 499,2 millions $. Et que cette bonification fait désormais partie du financement de base. On ne parle donc pas d’un financement ponctuel, mais d’une donne sur laquelle on peut compter à long terme.
Pourtant, la SFM et les organismes manitobains ne savent pas à ce point-ci les sommes qui leur seront accordées…
C’est vrai. Et comme on le dit si bien en anglais, the devil is in the details. Un aspect nouveau du Plan d’action, c’est que les organismes nationaux et locaux ont leur mot à dire sur la distribution des fonds. Le principe qui l’anime est : par et pour. Au fond, on veut nous responsabiliser. Le Fédéral reconnaît qu’une communauté locale est mieux placée pour décider de ses besoins, et comment répondre à ces besoins. La SFM entame donc présentement des téléconférences avec la Fédération des communautés francophones et acadienne, ainsi que les organismes porte-parole locaux qui devront discuter pour déterminer l’allocation des fonds.
Chaque région ne risque pas de se mettre à vouloir tirer son coin de la couverte?
C’est possible. Carol Jolin, le président de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario, réclame déjà que sa province devrait recevoir une plus grande part de financement, parce que per capita, il y a plus de francophones en Ontario qu’ailleurs. C’est sûr qu’il y aura des discussions, des négociations.
Cela dit, en affirmant les besoins de la francophonie manitobaine, je ne cherche pas à envenimer la discussion. Ce sera à nous tous de travailler ensemble.
Il y a aussi des fonds fédéraux qui sont versés directement à la Province…
Oui, pour appuyer entre autres les domaines de la santé et de l’éducation. C’est Patrimoine canadien qui négocie les sommes avec les gouvernements provinciaux. Il faudra donc être vigilant. On veut s’assurer que ces fonds ne soient pas dépensés dans d’autres secteurs, et qu’ils soient véritablement au service de la francophonie. La SFM a son mot légitime à dire par rapport à ce financement. On veut des résultats concrets et tangibles.
C’est bien ce que vous souhaitiez de toute façon pour l’ensemble du Plan d’action…
Absolument. La SFM a une responsabilité à chercher des résultats concrets pour les francophones sur le terrain. C’est notre priorité. On a obtenu du financement important. J’aimerais croire que cette donne sera pérennisée. Mais qui sait ce que feront les gouvernements à venir?
Il faut donc maximiser l’efficacité des fonds accordés par le Plan d’action. On ne va pas s’installer dans une paresse, nous donner des augmentations de salaires et aller à la plage. Le Plan d’action est un point de départ. C’est à nous de nous retrousser les manches et de miser sur des résultats tangibles. En bout de ligne, y aura-t-il plus de francophones chez nous ? De francophiles? D’immigrants francophones? Et de personnes qui ont le goût de vivre en français? Je l’espère.
L’argent fédéral peut-il vraiment assurer la vitalité de la francophonie?
Comme parent et comme personne qui a la francophonie dans ses tripes, je crois que ça commence chez soi, à la maison, dans sa famille.
Le désir doit d’abord être là. Le choix se fait sur le plan individuel. Mais un Plan d’action fédéral permet de mettre en place et de financer les infrastructures qui appuient le choix de vivre en français. Surtout dans un monde où la force de gravité culturelle est américaine, et forcément anglophone.
Le Plan d’action accorde des subventions pour des activités culturelles qui contribuent à la construction identitaire. Concrètement, pour mes enfants, ça pourrait dire un trois jours passés au camp de la DSFM à Moose Lake. Des jours qui pourraient bel et bien être déterminants pour eux dans la décision de vivre en français. Et tant mieux.