La saison des graduations approche. Pour Angélique Dauriac, finissante en travail social à l’USB, le temps est venu de mettre en pratique quatre années d’apprentissage qui ont changé sa perception de notre société.
Par Catherine DULUDE
On sent dans l’air frémir des jeunes gens, prêts à prendre d’assaut leur carrière, en quittant, une fois pour toutes, les bancs de l’université. La Liberté a rencontré Angélique Dauriac, finissante en travail social. La jeune femme de 26 ans a déjà décroché un emploi avant même d’obtenir, en juin prochain, son diplôme. « J’ai été embauchée à Oshki-Giizhig Inc., (1) où j’avais fait mon stage. Je suis travailleuse sociale pour les programmes Walking Stick et Beaver Lodge Day Program. J’adore ça! »
Ses études à l’école de travail social de l’Université de Saint- Boniface ont changé la manière dont elle voit notre société et sa façon d’aider les plus démunis. Un cours offert par le professeur David Alper invite en effet les étudiants à tenter de trouver pour eux-mêmes un logement et d’établir un budget avec exactement 806 $, la somme mensuelle allouée aux prestataires de l’aide sociale.
Angélique Dauriac raconte son expérience : « Déjà, je me suis dit que j’allais devoir habiter dans un quartier peut-être moins sécuritaire pour trouver un logement moins cher. Et quand tu appelles et que tu dis que tu es sur l’aide sociale, il y a une connotation très négative. Certains propriétaires peuvent même essayer de profiter de toi. »
Le phénomène qu’elle évoque est apparemment très commun. Le professeur David Alper rapporte des récits d’élèves : « Certaines femmes se sont fait dire de ne pas se préoccuper de la somme pour le loyer, qu’il y aurait des manières alternatives de payer. »
Aujourd’hui sur le terrain comme travailleuse sociale, Angélique Dauriac mesure bien la complexité des enjeux auxquels sont soumis ceux vivant sur l’aide sociale. Un exemple : « Pour certaines femmes, avoir un logement, ça peut être un grand pas pour récupérer leurs enfants qui sont placés sous la protection des services aux enfants. »
L’exercice pratique a aussi mené à d’autres prises de conscience. Car une fois un logement trouvé, comment s’y prendre pour se nourrir, se vêtir et se déplacer avec le peu d’argent qu’il reste? David Alper enfonce le clou : « Et il est impossible d’avoir un téléphone intelligent! Pour nos étudiants, c’est dur à imaginer. Comment faire alors pour communiquer et avoir une vie sociale? Et la santé mentale dans tout ça? Ça porte à réfléchir. »
Outre ses nombreuses frustrations à l’endroit du système de soutien pour les démunis, Angélique Dauriac a bien réalisé sa chance suite à son expérience : « Il ne faut jamais tenir pour acquis sa famille, son éducation, sa couleur de peau. J’ai la chance d’être bien entourée, d’avoir du soutien, tant dans mon emploi que dans mon entourage. »
(1) Oshki-Giizhig Inc. est un organisme sans but lucratif autochtone situé à Winnipeg. L’organisme dessert une clientèle aux prises avec les problèmes liés au syndrome de l’alcoolisme foetal.