Par Michel LAGACÉ
Ne rien faire, mais donner l’impression de faire quelque chose. Voilà la technique que les gouvernements de tout temps utilisent pour remettre à plus tard ce qu’ils ne veulent pas faire aujourd’hui. Ainsi, dans sa lettre de mandat du mois d’août à Mélanie Joly, la ministre du tout nouveau ministère du Tourisme, des Langues officielles et de La Francophonie, Justin Trudeau ne l’exhorte pas de voir à la « modernisation » de la Loi sur les langues officielles. Avec une tiédeur indubitable, il lui propose de « commencer un examen dans le but de moderniser la Loi sur les langues officielles ».
Les ministres, les hauts fonctionnaires et le public auront compris qu’une mise à jour de la Loi est reportée aux calendes grecques. Et qu’il faudra attendre après les prochaines élections fédérales pour connaître le sort d’une « modernisation ». Car commencer un examen ne veut pas dire qu’il faut faire quelque chose ; il suffit de parler de faire quelque chose un jour.
Pourtant, Justin Trudeau avait soulevé des espoirs au mois de juin lorsqu’il s’était engagé à « faire une modernisation » de la Loi. D’après lui, « la protection des minorités linguistiques est au coeur de qui nous sommes en tant que pays ». Le Premier ministre lançait alors le compte à rebours, puisque la prochaine élection fédérale est prévue pour le 21 octobre 2019. C’est dire qu’il lui reste très peu de temps pour compléter les consultations, recevoir un rapport du Comité sénatorial permanent des langues officielles, et proposer et faire adopter un texte de loi.
Par ailleurs, sans le vouloir, le Premier ministre pose une question fondamentale dans sa lettre de mandat. Est-ce que le but d’une modernisation de la Loi serait vraiment d’assurer « la protection des minorités linguistiques », une protection qui définirait qui nous sommes comme pays? Comme s’il s’agissait de protéger des espèces rares! L’histoire nous a démontré l’importance de respecter les lois qui assurent le statut et l’usage du français. Mais est-ce suffisant? Aujourd’hui, nous devrions plutôt avoir comme but premier de promouvoir la vitalité, le sens d’appartenance et l’ouverture que nous accorde le privilège de reconnaître au moins deux langues dans ce pays.
L’auteur de la première Loi sur les langues officielles en 1969, Trudeau père, avait, par conviction personnelle, dépensé un capital politique énorme pour faire adopter une charte des droits et libertés en 1982, et pour assurer un appui aux minorités de langue officielle au Canada. Pour y arriver, il a refusé de laisser l’urgent le distraire de l’important. Jusqu’à nouvel ordre, la directive de « commencer un examen » ne reflète ni l’importance ni l’urgence de renouveler la 12. Nous attendons toujours un signal fort qui démontre une volonté politique convaincante de la part de Trudeau fils.