L’étude scientifique La langue française dans le monde, réalisée tous les quatre ans, dresse le portrait mondial du français et confirme le déplacement de son centre de gravité vers l’Afrique.
Lucas Pilleri (Francopresse)
Le français compte pas moins de 300 millions de locuteurs dans le monde. Un chiffre en progression de 10 % depuis 2014 qui en fait la 5e langue la plus parlée après le chinois, l’anglais, l’espagnol et l’arabe. Le rapport, publié l’automne dernier aux Éditions Gallimard avec l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), rappelle d’ailleurs qu’il est la langue officielle de 32 États et gouvernements.
Mieux, les analystes prévoient entre 477 et 747 millions de francophones d’ici 2070. « C’est une prévision de notre partenaire canadien, l’Observatoire démographique et statistique de l’espace francophone de l’Université Laval (ODSEF) », précise Alexandre Wolff, responsable de l’Observatoire de la langue française de l’OIF à Paris et qui a piloté pour la troisième fois la recherche.
Le français rayonne toujours
Autre bonne nouvelle, le français est la 2e langue étrangère la plus apprise au monde avec plus de 50 millions d’apprenants, concentrés surtout en Afrique subsaharienne et dans la région de l’océan Indien (+126 %), mais aussi en Afrique du Nord et au Moyen-Orient (+ 33 %).
Son apprentissage occupe une place de choix à bien des niveaux, notamment culturel, économique et scientifique. Pour beaucoup, le français constitue un atout pour la mobilité étudiante et l’insertion sur le marché du travail. « Le français est une compétence recherchée dans le monde universitaire et professionnel », commente Alexandre Wolff. Particulièrement convoité dans le commerce, la vente, les organisations internationales, l’hôtellerie et le tourisme, il est par exemple la deuxième langue étrangère la plus apprise dans les pays latino-américains et européens, derrière l’anglais.
Sur les ondes, le bilan est tout aussi positif grâce à un vaste et puissant réseau médiatique : TV5 Monde, RFI, France 24, Arte, Canal+ Afrique, Radio-Canada, Radio France, TV5 Québec-Canada, la RTBF, Télé-Québec, TFO, AFP… « C’est une des choses qui qualifie le français comme langue mondiale, relève l’expert. Je suis surpris de voir à quel point les médias internationaux, russes, chinois, britanniques, allemands, se mettent au français pour atteindre la population francophone qui s’accroit, en particulier en Afrique. »
L’Afrique, le bassin francophone
Justement, le continent africain est au cœur de cette croissance. En fait, près de 60 % des locuteurs quotidiens du français s’y trouvent. Les enquêtes montrent que le français y évolue dans un contexte plurilingue, arrivant fréquemment en deuxième place derrière la langue nationale, parfois devant.
Les jeunes générations intensifient leur usage du français, souvent perçu comme la langue de la réussite scolaire, économique et sociale. Dans certains pays d’Afrique comptant des dizaines, voire des centaines de langues locales peu promues et compliquant la communication entre ethnies, « le français joue alors le rôle de trait d’union », indique Jean-Martial Kouamé, contributeur au rapport. Le professeur de linguistique en Côte d’Ivoire qualifie ainsi le français de « véhiculaire national ». En outre, plus de 80 % des francophones d’Afrique et du monde arabe indiquent vouloir transmettre la langue à leur descendance, « une évolution encourageante pour l’avenir du français », note Alexandre Wolff.
Enfin, le français rayonne sur la toile puisqu’il est la 4e langue d’internet, derrière l’anglais, le chinois et l’espagnol. « Cette quatrième place est solidement établie, observe le chercheur. Sans compter que les populations africaines sont sous-représentées pour le moment à cause de la fracture numérique, et que le rattrapage du continent africain se fait très vite. »
Mêlé à la diversité locale, le français se transforme. Plusieurs variétés émergent comme le toli bangando au Gabon, ou encore le nouchi en Côte d’Ivoire, l’argot des jeunes urbains. « Le rapport est une manière de montrer que le français est une langue mondiale et ouverte. La vie du français ne se limite pas à ce que chacun en connait sur son territoire », ponctue Alexandre Wolff.
De futures recherches viendront justement se pencher sur cette diversification linguistique qui est à l’œuvre dans la francophonie. En attendant, l’avenir de la langue s’annonce prometteur.