Par Michel LAGACÉ
Les évènements de la semaine dernière à la Chambre des communes remettent en question l’attente que les Canadiens choisiront un nouveau gouvernement le 21 octobre, la date déterminée par la Loi électorale du Canada. On s’en souvient, le parti Conservateur a inscrit 257 votes au feuilleton de la Chambre des communes, ce qui a donné lieu à une séance marathon ininterrompue de votes qui a duré plus de 30 heures. Et le chef de l’opposition, Andrew Scheer, a annoncé qu’il continuera à protester par tous les moyens possibles la décision du comité de la justice et des droits de la personne de refuser de faire témoigner à nouveau l’ex-procureure générale, Jody Wilson-Raybould.
Les Conservateurs ont ainsi réussi à embourber la Chambre des communes pour tenter d’attirer l’attention du public sur l’affaire SNC-Lavalin qui a déjà coûté à Justin Trudeau deux de ses ministres les plus en vue, Mme Wilson-Raybould elle-même et Jane Philpott, de même que son conseiller principal, Gerald Butts.
Pis encore pour le gouvernement Trudeau, Mme Philpott a déclaré que des informations importantes n’avaient pas encore été divulguées, tandis que Mme Wilson-Raybould a annoncé son intention de soumettre des informations supplémentaires au comité qu’elle a déjà rencontré. Les deux ministres démissionnaires, faisant appel à l’intérêt public comme elles le comprennent, ont ainsi fait dérailler la tentative du gouvernement de tourner l’attention du public vers son budget déposé le 19 mars.
L’affaire SNC-Lavalin continuera donc à entraver les travaux de la Chambre des communes dont le calendrier prévoit neuf semaines de séances d’ici le 21 juin. En principe, ces séances donneraient au gouvernement le temps de faire adopter son budget, le dernier grand item à son agenda. Mais si les Conservateurs empêchent le fonctionnement normal de la Chambre, l’adoption du budget pourrait donner lieu à des débats houleux ponctués de points d’ordre et de tactiques d’obstruction sans fin. Une campagne électorale amère de quatre mois s’ensuivrait.
Tandis que tous les personnages principaux entourant l’affaire SNC-Lavalin prétendent agir au nom de l’intérêt public, il serait très malsain pour la démocratie canadienne de demeurer dans un état de paralysie comme celui qui s’annonce. Les travaux parlementaires avancent au ralenti et le climat politique s’envenime. Alors pourquoi attendre? Andrew Scheer a donné toutes les justifications nécessaires pour que Justin Trudeau déclenche des élections qui pourraient avoir lieu avant la fin juin. Le chef de l’opposition a demandé la démission du premier ministre alors qu’il pourrait plutôt exiger que la population ait l’occasion de se prononcer sans plus tarder.
Pour ne pas être pris en otage, l’intérêt public exige que le gouvernement canadien et la fonction publique puissent agir de concert au service des Canadiens. Un nouveau gouvernement, quel qu’il soit, est devenu le moyen le plus sûr de mettre fin à l’impasse actuelle.