Dans la circonscription de Saint-Boniface, le parti néo-démocrate a pris 10 jours après le début de la campagne électorale pour choisir sa candidate, une étudiante en droit inconnue des électeurs de la circonscription.
Plusieurs se demandent pourquoi le parti a attendu si longtemps; évidemment certains se demandent de plus en plus si le retard n’était pas délibéré, afin de donner une longueur d’avance au libéral Raymond Simard. Or il semblerait y avoir eu bien des machinations ces derniers mois autour de cette nomination.
Nous avons appris de sources sûres qu’un candidat expérimenté, jeune et populaire, Mathieu Allard, était prêt à se présenter et qu’il avait même reçu une promesse d’appui financier substantiel de la part du parti néo-démocrate fédéral. Cependant, le parti néo-démocrate provincial serait alors intervenu pour décourager cette nomination. Il y aurait eu désaccord là-dessus entre les ailes fédérale et provinciale du parti.
Il est certain que Mathieu Allard représentait le meilleur espoir pour le NPD à Saint-Boniface. En 2004, il avait obtenu près de 7 000 votes, ou 18 % du total; en 2006 il était passé à 9 300 votes, près de 22 % du total. En 2008, il ne s’est pas présenté, cédant l’honneur à un étudiant, Matt Schaubroeck, dont le score tomba à 5 500, ou 13 % du total. Tout indique qu’avec une nomination très tardive et une candidate inconnue, le vote néo-démocrate baissera encore plus cette fois.
On peut se poser la question : pourquoi les néo-démocrates provinciaux voulaient-ils empêcher Allard de se présenter? Les théories abondent. Chose certaine, les difficultés du parti n’étaient pas dues à la difficulté de trouver des candidats, comme l’affirme Mia Rabson dans son blog pour le Winnipeg Free Press du 4 avril 2011. La théorie la plus crédible serait un désir chez les néos d’assurer l’appui des libéraux pour leur candidate Erin Selby dans Southdale lors des élections provinciales qui auront lieu à l’automne.
Il est sûr que les déboires du NPD profiteront au candidat libéral Raymond Simard. Par contre, il est loin d’être certain que même avec ce coup de pouce il pourra remporter la victoire contre Shelly Glover. En effet, en 2008 Glover avait défait Simard par 4 700 votes et Schaubroeck en avait récolté 5 500; le candidat vert en avait emporté 2 000. Il faudrait donc qu’une bonne partie du vote néo-démocrate, plus de 85 %, passe aux Libéraux cette année pour que Simard ait une chance de l’emporter. Cela suppose évidemment que Glover conserverait le vote acquis en 2008. En ce moment, c’est notre hypothèse que les électeurs de Saint-Boniface suivent à peu près les tendances nationales. Si les fortunes de M. Ignatieff devaient s’améliorer substantiellement au niveau national, on pourrait voir un certain nombre de votes conservateurs retourner dans le camp libéral. Sinon, il faudrait un effondrement presque complet du votre néo-démocrate pour que Simard ait une chance de l’emporter.
Or il est possible que cela se produise. Le site d’analyse des sondages ThreeHundredEight.com estimait le 4 avril que la conservatrice Shelly Glover l’emporterait sur Raymond Simard avec 44,2 % du vote contre 42 %. Par contre, le site estimait aussi que le NPD recevrait 9,4 % du vote, ce qui est trop à mon avis. Avec les déboires de la nomination, on pourra peut-être s’attendre à une chute subsrantielle du vote néo-démocrate, ce qui serait à l’avantage de Simard.
Les Libéraux de Saint-Boniface priaient peut-être pour un scénario comme celui qui s’est produit récemment en Ontario, alors que le candidat néo-démocrate Ryan Dolby (Elgin-Middlesex-London) a abandonné la course complètement en faveur des Libéraux. Grâce à leurs difficultés internes, les néo-démocrates de Saint-Boniface ont certainement donné un coup de pouce à Raymond Simard, mais pas le gros lot, du moins pas encore. Chose certaine, les électeurs de Saint-Boniface qui veulent refuser une majorité à Stephen Harper n’ont plus qu’un choix crédible et politiquement réaliste.
Chronique de Raymond Hébert – 4 avril 2011.