Karine Duhamel détient un doctorat en histoire de l’Université du Manitoba. Originaire de Saint-Boniface, elle est présentement chercheure-conservatrice du contenu autochtone et gestionnaire par interim du programme public au Musée canadien pour les droits de la personne.
Karine DUHAMEL – Collaboration spéciale
Les Autochtones se sont enrôlés dans l’Armée canadienne en grand nombre au cours de la Première Guerre mondiale, en dépit d’avoir subi des injustices de la part du gouvernement fédéral, comme l’imposition de la Loi sur les Indiens. À la fin de la guerre, ils ont subi de nouvelles injustices.
L’État avait la responsabilité d’appuyer les soldats canadiens à leur retour de la guerre. Les Lois d’établissement de soldats de 1917 et 1919 visaient à aider les anciens combattants en leur offrant des terres agricoles, ainsi que des prêts à faible taux d’intérêt pour l’amélioration de ces terres.
Pour y arriver, plus de 85 000 acres de terres autochtones de l’Ouest canadien ont été offertes aux vétérans nonautochtones. De plus, le Canada a soutenu l’établissement d’anciens combattants nonautochtones, mais il a refusé d’aider l’établissement d’anciens combattants autochtones. Au lieu, ceux-ci sont devenus, comme avant la guerre, la responsabilité du ministère fédérale des Affaires indiennes.
Comme le ministère des Affaires indiennes ne voulait pas dépenser beaucoup d’argent pour rétablir ces soldats, il a été décidé de leur donner des terres sur les réserves.
Le coût pour le gouvernement serait donc négligeable. De plus, les terres accordées étaient auparavant considérées communes, ce qui a conduit à des tensions au sein des communautés autochtones.
Nouvelle trahison : les prêts disponibles aux soldats autochtones étaient, en général, beaucoup moins élevés que ceux offerts aux anciens combattants non-autochtones.
Au bout du compte, très peu de prêts ont été distribués. Entre 1920 et 1927, seulement 224 prêts avaient été accordés.
Duncan Campbell Scott, le fonctionnaire responsable du dossier au ministère des Affaires indiennes, déclara avec fierté que ces appuis avaient été réalisés sans frais pour le Canada, puisque l’argent offert provenait des communautés autochtones elles-mêmes. Tout comme les terres saisies sans leur permission.
Au cours de la Première Guerre mondiale, au moins 300 Autochtones ont perdu la vie. Dans les tranchées, certains survivants avaient contracté la tuberculose ou la grippe.
D’autres, blessés voire même amputés en Europe, ne furent plus capables de reprendre leurs emplois d’autrefois. Et comme plusieurs anciens combattants non-autochtones, certains avaient développé une dépendance à l’alcool.
Pour les Autochtones qui avaient servi le Canada avec générosité, cette trahison étatique a été très difficile. Pas étonnant que les Autochtones se soient organisés sur le plan politique, sous la direction des anciens combattants.
En 1919, le lieutenant F.O. Loft, un ancien combattant des Six Nations, a fondé la première organisation politique du pays qui s’adressait à tous les Autochtones, la Ligue des Indiens du Canada.
Les idées avancées par la Ligue ont survécu pour revenir, pendant les années 1960, au sein d’autres organisations.