James Wyndels, victime de purges LGBTQ à plusieurs reprises, a reçu une compensation financière du gouvernement canadien, ainsi qu’un certificat de réparation officielle le 20 juin, appelé Citation Fierté Canada. Le septuagénaire livre son témoignage sur ce « passé difficile ».
Le Saint-Bonifacien d’origine partage des moments clés de son parcours de vie.
«À l’âge de 11 ans, je suis devenu cadet dans les forces navales à Winnipeg. Après cinq ans, j’avais passé tous les niveaux et j’ai été encouragé à faire la demande d’une bourse pour aller étudier à l’Université de Winnipeg. »
Une bourse qu’il a obtenue : « Un montant de 300 $. Ce qui payait toute l’université en 1965, plus 100 $ pour acheter les livres d’études. Je suis donc rentré à l’université. Après la première année, je suis allé dans l’Est sur un bateau de la Marine royale canadienne. Nous étions 65 de Winnipeg. »
James Wyndels revient avec difficulté sur un moment charnière. « Un de mes amis proches a essayé de me faire quelque chose. Les autres ont vu ça. J’ai eu peur. Car je n’étais pas prêt à être vu comme un homme gay. » Dans les années 1960, on parlait alors de problèmes d’orientation.
« J’étais retourné à Winnipeg. J’avais 20 ans. J’avais peur de parler. C’était très embarrassant. À l’époque, c’était vu comme une maladie.
« Les gens jasaient, pour dire que j’étais fou, que j’étais un malade mental… J’ai continué longtemps comme ça, sans en parler. Finalement je suis allé voir un médecin pour m’aider à évaluer ce qui s’était passé. Il m’a donné des médicaments pour dormir et être calme.
« En 1976, j’ai quitté Winnipeg. J’ai suivi des cours pour obtenir une maîtrise en sciences bibliothécaires à la Western Michigan University. Et en 1978, je suis arrivé à Ottawa sur la Colline parlementaire pour me mettre au service du caucus libéral, grâce à mon ami le sénateur Gildas Molgat. Je faisais de la recherche et de la communication pour les députés et les ministres. »
En cette fin des années 1970, les relations homosexuelles étaient encore et toujours mal perçues.
« En 1978, j’ai rencontré un gars et je suis devenu son mari pendant deux ans. Tout le monde pouvait le voir. Mais je manquais vraiment de confiance en moi. Les esprits n’étaient pas très ouverts. »
| Le ton se fait fébrile
Après cette relation, James Wyndels a enchaîné des contrats ici et là jusqu’en 1982. « Cette année-là, je suis rentré dans la fonction publique sur contrat au Secrétariat d’État, en tant que planificateur pour le ministère. À un moment donné, un gars du Nouveau-Brunswick a remplacé mon directeur, qui me trouvait qualifié pour un bon poste… »
Le ton de James Wyndels se fait alors plus fébrile. « Mais quand ils ont appris que j’étais gay, le directeur m’a fait partir et a trouvé un autre gars, qui s’est finalement avéré être gay aussi. Il a voulu le congédier lui aussi, mais le nouvel employé avait un poste permanent. » L’homme sera toutefois congédié un an plus tard.
James Wyndels a d’abord réagi. « Je suis allé voir le nouveau ministre conservateur responsable du Secrétariat d’État en 1985, Benoit Bouchard MP de Roberval, qui était prêt à me donner de l’argent pour aller en cour. »
Mais il a décliné l’offre. « J’étais en train de poursuivre des études pour être enseignant. Dans ce domaine, s’exprimer publiquement n’est pas accepté facilement. J’ai pu décrocher un contrat d’enseignant au Conseil scolaire d’Ottawa. »
À ce stade de la conversation, James Wyndels évoque un souvenir important à ses yeux : les excuses publiques du gouvernement fédéral, présentées par le Premier ministre Justin Trudeau le 28 novembre 2017 à l’endroit des milliers de Canadiens emprisonnés, privés d’emploi ou harcelés jusque dans les années 1990 en raison de leur orientation sexuelle.
« Le 8 juin 2018, j’ai présenté mon cas, avec d’autres personnes, devant la Cour suprême qui a approuvé le recours collectif. L’administration des fonds de 110 millions $ a été confiée à Deloitte à Toronto, qui a contacté les plaignants avec un questionnaire de 30 pages. L’ensemble de la documentation devait être photo : Gracieuseté James Wyndels soumise au plus tard le 23 avril 2019. Deloitte a alors vérifié la véracité de chaque dossier et si les demandeurs étaient victimes de purges.
« Dans ce genre d’évènements, la gravité est évaluée par niveau, le niveau 4 correspondant aux évènements catastrophiques.
« J’ai fait une demande pour tous les niveaux. La première semaine de décembre 2019, j’ai reçu un premier chèque dans mon courrier pour le niveau 3 [concernant la purge] et j’ai reçu le maximum. (1)
« Le niveau 4 a pris plus longtemps : le 20 février 2020, j’ai reçu un appel de Marie Deschamps, l’évaluatrice assi- gnée par la Cour suprême pour évaluer ce niveau. On a parlé 75 minutes de ma vie, des médecins, de mes difficultés… »
James Wyndels a de nouveau obtenu gain de cause. « Dans la décision finale, sortie un mois après, l’évaluatrice a écrit que c’était clair que j’avais manqué de confiance, que j’avais été victime d’abus et de harcèlements qui ont beaucoup affecté ma vie.
« J’ai donc reçu un autre chèque le 5 ou 6 avril 2020 pour le niveau 4 : 80 % du montant maximum de dédommagement.
« C’était stressant. Après trois ans, j’étais heureux que ce processus était enfin terminé. Je dois préciser que beaucoup de gens concernés ont peur : sur 1 200 demandes attendues, seulement 718 ont été faites. »
Dorénavant, James Wyndels est à l’aise pour afficher sa préférence sexuelle.
« Mais je garde un gros regret. Celui d’avoir, à la suite de tous ces évènements, manqué de confiance en moi pour entrer dans la vie politique, alors que j’avais les aptitudes nécessaires. C’était un des objectifs principaux de ma vie… »
(1) La fourchette des compensations financières se situe entre 5 000 $ et 100 000 $.