Par Michel LAGACÉ
À en croire Justin Trudeau, le Premier ministre va bientôt jouer la vie de son gouvernement minoritaire. Affirmant que le temps est venu d’adopter de nouvelles solutions audacieuses, il a laissé entendre qu’une vision d’avenir ambitieuse sera présentée dans le discours du Trône le 23 septembre. Des rumeurs suggèrent que cette vision pourrait comprendre un plan de relance de l’économie verte, une refonte ambitieuse du filet de sécurité sociale ou encore un régime public d’assurance médicaments universel.
Et le défi qu’il lance à la Chambre? Si son plan est adopté, le gouvernement recevra le mandat de le mettre en oeuvre. Sinon, une élection générale s’ensuivra. D’une façon ou d’une autre, les enquêtes parlementaires dans l’affaire WE Charity devront céder les manchettes aux nouvelles propositions gouvernementales.
Justin Trudeau demeure entièrement responsable de cette tournure des évènements. Son gouvernement avait avancé sensiblement dans les sondages depuis le début de la pandémie. Dans un temps record, il avait mis en place de nouveaux programmes pour appuyer les individus et les entreprises durement touchés par la crise sanitaire. Mais voilà que les accusations de conflits d’intérêt et la démission du ministre des Finances entraînées par l’affaire WE Charity ont sérieusement remis en question le jugement et l’intégrité du Premier ministre.
Dans cette conjoncture, le Parti conservateur et son tout nouveau chef, Erin O’Toole, pourraient se réjouir de la chance qu’ils auront de remplacer le gouvernement Trudeau aux prochaines élections. Mais en politique, rien n’est entièrement prévisible. Au Québec, la lutte fédérale se déroule actuellement entre libéraux et bloquistes, laissant peu de place aux conservateurs. Et en Ontario, le Premier ministre conservateur, Doug Ford, a laissé savoir qu’il ne ferait pas campagne avec ses homologues fédéraux. Son improbable amitié politique avec la nouvelle ministre fédérale des Finances, Chrystia Freeland, a changé le ton des relations entre Ottawa et Toronto.
Dans l’Ouest, le nouveau parti Wexit, voué à la séparation de la région de la fédération canadienne, rappelle que le Parti conservateur n’a pas le monopole des sièges, même en Alberta. De plus, M. O’Toole n’est pas encore bien connu. Il doit se définir avec précision sur les questions sociales qui divisent traditionnellement les conservateurs. Par exemple, il a beau répéter qu’il est un partisan du droit à l’avortement, il reste que près du tiers des membres conservateurs qui ont participé à l’élection du nouveau chef se revendiquent de la droite religieuse.
Il ne faut surtout pas oublier que M. Trudeau demeure un farouche meneur de campagne électorale. Il lancera donc son défi mercredi prochain et les Canadiens sauront bientôt si la Chambre appuiera ses propositions ou si le pays connaîtra une campagne électorale nationale en pleine crise sanitaire.