Comme il se doit, de nombreux groupes francophones à l’extérieur du Québec ont salué la publication des intentions du gouvernement fédéral en ce qui regarde la modernisation de la Loi sur les langues officielles. La ministre responsable du document, Mélanie Joly, propose des réformes longtemps demandées – et longtemps espérées.
L’enchâssement dans la Loi d’une politique en matière d’immigration francophone et du Programme de contestation judiciaire leur assurerait une certaine pérennité. L’appui à l’enseignement de la langue de la minorité serait aussi un élément positif. Et l’exigence que les juges de la Cour suprême soient bilingues mettrait enfin un terme à un long débat.
Le traitement réservé aux médias, par contre, est étonnant. Le document attribue à CBC/Radio-Canada des rôles qui sont loin de la réalité. Qualifiant le diffuseur public d’« institution phare », le document prétend qu’il contribue « à la protection et à la promotion des deux langues officielles au Canada en mettant en oeuvre des mesures qui favorisent l’épanouissement des communautés de langue officielle en situation minoritaire, (et) contribuent à leur développement… » Vraiment?
Mélanie Joly gagnerait à lire attentivement le Mémoire de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada présenté au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes le jour même de la publication de son document. Le Mémoire reprend des griefs émis depuis des décennies, entre autres, le « québécocentrisme » des émissions et des contenus de nouvelles présentés par Radio-Canada, comme si son auditoire se situait uniquement au Québec.
Et qu’en est-il du rôle des services de la CBC? Quand aurait-elle fait la promotion de la dualité linguistique? Son traitement de la publication du document de Mme Joly en dit long : essentiellement, le réseau national et les postes locaux n’en ont pas tenu compte. Même chose pour le poste manitobain de la CBC en ce qui a trait à la vente de l’hôtel de ville et de la caserne des pompiers de l’ancienne ville de Saint-Boniface. Quand la CBC Manitoba a-t-elle tenté d’exposer les enjeux et le point de vue des francophones à son auditoire?
Pis encore, Mme Joly ne semble pas reconnaître le rôle crucial des médias communautaires. On sait que ces radios et journaux locaux sont financièrement fragiles partout au Canada. Il est scandaleux que son document ne reconnaisse pas que ces médias sont à risque de disparaître tandis qu’elle se contente de faire les éloges d’une CBC/Radio-Canada qui n’existe pas.
Au cas où Mélanie Joly aurait l’ambition de laisser sa marque, elle serait bien avisée de réviser son document pour reconnaître formellement le rôle vital des radios et des journaux communautaires. Il s’agit là de moyens privilégiés pour les francophones de créer un espace de rassemblement, de promouvoir leur propre identité, et de participer au développement de leur propre milieu.
Ces médias constituent des outils essentiels pour l’avenir de la francophonie canadienne, et Mme Joly doit impérativement en tenir compte.