Par Michel LAGACÉ
Le 23e recensement national de la population du Canada est maintenant lancé. Le recensement agricole se déroule en même temps pour dresser un portrait des exploitations agricoles du pays. La réussite de ces recensements dépend en grande partie de la volonté des Canadiennes et des Canadiens d’y participer pleinement et honnêtement.
Les raisons de le faire sont nombreuses : les données sont utilisées par les gouvernements, des entreprises, des organismes et des individus qui en ont besoin pour des raisons très diverses. Les gouvernements, par exemple, ont besoin de connaître le nombre d’ayants droit aux écoles francophones pour planifier de nouveaux établissements.
Autre exemple : la Dre Joss Reimer, la responsable du groupe de travail sur la campagne de vaccination contre la COVID-19 au Manitoba, annonçait que le plan de déploiement des vaccins à toutes les personnes âgées de 18 et plus dans les zones à haut risque serait essentiellement basé sur la densité de la population, le revenu, la proportion des personnes d’origines culturelles considérées vulnérables et le logement. Preuve que les responsables chargés d’endiguer la crise sanitaire se servent des données du recensement.
Malgré l’utilité évidente du recensement, sa qualité dépend de la relation de confiance entre le gouvernement et la population. Il ne doit surtout pas être perçu comme un outil de surveillance par l’État. C’est ce qui est arrivé aux États-Unis au recensement de 2020, surtout parmi les minorités ethniques qui se sont inquiétées de la manière dont des données soi-disant confidentielles pourraient être utilisées.
Cette même méfiance peut se manifester au Canada. Petit exemple historique : Lunenburg en Nouvelle-Écosse est reconnu depuis sa fondation au milieu du 18e siècle comme un centre de population d’origine allemande. Au recensement de 1941, en plein milieu des hostilités de la Seconde Guerre mondiale, bon nombre d’habitants qui s’étaient déclarés d’origine allemande au recensement de 1931 se sont découverts hollandais en 1941, pour retrouver leurs origines allemandes en 1951.
Outre l’utilité des données pour établir les politiques de l’heure, les recensements constituent aussi une banque de données unique pour bien saisir l’évolution de la société canadienne depuis 1871. Lorsque le gouvernement de Stephen Harper a décidé que la participation au recensement de 2011 serait volontaire plutôt qu’obligatoire, il a commis un acte de vandalisme qui a réduit la portée de ces données longitudinales. Le taux de réponse est passé de 93,8 % en 2006 à 68,6 % en 2011, ce qui a rendu certaines données peu fiables surtout pour les régions géographiques plus petites.
Le recensement de 2021 sera l’occasion de rétablir cette précieuse série de données. Souhaitons que l’intervention intempestive de M. Harper, qui a semé le doute sur l’utilité du recensement, laisse peu de traces dans les esprits. Et que nous pourrons rétablir la relation de confiance qui a généralement prévalu lors des recensements du dernier siècle et demi.