La prise en charge des aînés est un enjeu qui continue d’être débattu sur la scène nationale. Dans cette question, la dimension LGBTQ2+ doit être considérée pour éviter une invisibilité des personnes.
Par Ophélie DOIREAU
INITIATIVE DE JOURNALISME LOCAL – La Liberté
Statistique Canada publiait en 2021 des données sur les différentes communautés LGBTQ2+, parmi ces données on apprend qu’un million de Canadien.nes s’identifient LGBTQ2+. Parmi ce million, 7 % étaient âgé.es de 65 ans ou plus.
Ces 7 % de la population LGBTQ2+ amènent sur la scène nationale l’enjeu du vieillissement lorsqu’on est une minorité sexuelle et de genre. La Fondation Émergence travaille sur cette question comme l’indique Julien Rougerie, chargé de program- mes. « Nous sommes un organisme de défense des droits des minorités sexuelles et de genre. On est à l’origine de la journée du 17 mai c’est-à-dire de la Journée internationale contre l’homophobie et la transphobie.
« En 2009, la Fondation a créé le programme Pour que vieillir soit gai avec pour but de sensibiliser les milieux et les services offerts aux personnes âgées sur la question de la diversité sexuelle et de genre. »
La question est encore plus d’actualité puisque Statistique Canada indiquait dans ses données de 2021 que les jeunes de 15 à 24 ans représentaient un peu moins d’un tiers (30 %) de la population LGBTQ2+. Il faut donc sensibiliser dès maintenant le milieu de la santé et le milieu des services aux aînés pour pouvoir répondre correctement à leurs besoins à l’avenir.
Mission à laquelle s’atèle Julien Rougerie. « La dimension LGBTQ2+ est presque invisible chez les aînés. Les foyers ne prennent pas en compte cette clientèle.
« Cette invisibilité a des conséquences très graves sur le bien-être parce que ça crée plus d’isolement social, plus de problématique de santé mentale avec le stress constant de savoir si je peux en parler, si je vais être discriminé.
« Surtout que lorsqu’on est âgé, on est souvent dépendant d’autres personnes donc il faut instaurer un climat pour que les gens soient à l’aise pour parler avec le personnel et tout simplement être à l’aise d’être eux-mêmes. »
Point qu’appuie Annie Bédard, directrice générale de Santé en français. « Il faut que les gens se sentent en sécurité, se sentent respectés pour qui ils sont. Lorsqu’on reçoit des soins, on se sent souvent vulnérable. C’est une question de dignité humaine que d’offrir des soins en prenant en compte la langue, l’identité de genre ou encore l’identité sexuelle. »
| Marqués par le passé
La Fondation Émergence s’est arrêtée au Manitoba et en Saskatchewan, le 15 juin, pour donner une conférence en français sur le thème, une nécessité pour Julien Rougerie. « Être une minorité sexuelle ou de genre dans une minorité linguistique augmente les chances de ne pas pouvoir s’épanouir pleinement. »
Conférence à laquelle la Fédération des aînés de la francophonie manitobaine a pris part en tant que partenaire. Lucienne Châteauneuf, la directrice, y voit un vrai engagement. « La FAFM n’a pas eu l’occasion de discuter de cet enjeu, alors le partenariat avec la Fondation Émergence c’est une belle occasion pour nous.
Je rejoins Julien lorsqu’il dit que la clientèle LGBTQ2+ est invisible lorsqu’on parle des aînés.
« On sait qu’il y a des aînés LGBTQ2+, mais on sait aussi que certains n’en parleront pas ouvertement. J’ajouterais une certaine nuance parce que je dirais que les personnes de 50 à 60 ans se prononcent davantage que les personnes de plus de 60 ans. »
Phénomène qui s’explique notamment par le fait qu’avant 1969, l’homosexualité était un crime inscrit dans le Code criminel canadien et c’est seulement en 1977 que l’orientation sexuelle de- vient un motif interdit de discrimination inscrit dans la Charte canadienne des droits et libertés. En 2005, le Canada devient le quatrième pays à permettre le mariage pour tous.
| Un enjeu pour tous et toutes
Lucienne Châteauneuf insiste sur le besoin de discuter davantage sur cet enjeu et de sensibiliser l’ensemble de l’appareil de la santé. « C’est important d’engager des discussions parce qu’on doit desservir au mieux toutes les populations canadiennes. On doit faire valoir toute personne aînée qu’importe son identité sexuelle ou son identité de genre.
« Nous sommes tous des êtres humains, il faut s’accepter et accepter les uns et les autres.
« Il faut une ouverture sur les personnes LGBTQ2+, et une plus grande sensibilité de tous les milieux. Si c’est seulement des personnes LGBTQ2+ qui assistent à ce genre de conférences sans alliés, les problématiques ne peuvent pas avancer. »
À cet égard, Annie Bédard est consciente de l’enjeu qui incombe au personnel de santé. « Sur cette question, on se fit beaucoup au Collectif LGBTQ* du Manitoba. Il reste que dans le monde de la santé au Manitoba, c’est toujours un travail de positionner des services pour des clientèles spécifiques. Le système fonctionne de manière très large. Pourtant il faudrait que les lentilles spécifiques soient systémiques, que ce soit la lentille francophone, la lentille LGBTQ2+ ou une autre.
« La reconnaissance de la communauté LGBTQ2+ doit être améliorée. Ça ne fait que très peu de temps qu’on commence à les reconnaître, et la reconnaissance est encore fragile. Il reste beaucoup d’enjeux de discriminations et de stigmatisation.
« Pour pouvoir travailler sur cette question, il nous faut des études, il nous faut des données probantes pour développer des outils qui vont répondre correctement aux besoins de la communauté LGBTQ2+. »
Annie Bédard donne quelques exemples qui peuvent améliorer la vie des aînés qui s’identifient LGBTQ2+. « Il nous faut des résidences adaptées aux aînés LGBTQ2+. Est-ce que le système est prêt pour accueillir les couples homosexuels dans les résidences? Il faut des soins à domicile qui considèrent l’identité de genre et l’identité sexuelle.
« C’est une question d’éducation et de sensibilisation à penser dès à présent pour ne pas se trouver dans des situations difficiles pour ceux et celles qui cherchent des soins. »