Par:Michel LAGACÉ
Alors que la Chambre des communes s’apprête à reprendre ses travaux, Justin Trudeau est affaibli politiquement parce qu’il n’a pas réussi à obtenir la majorité qu’il a tant convoitée en déclenchant des élections sans motif valable. En toute logique de notre système parlementaire, Erin O’Toole, le chef de l’opposition officielle, devrait maintenant pouvoir se présenter comme le chef d’un gouvernement en attente, prêt à tout moment à assumer le pouvoir.
Or les dissidents à l’intérieur du Parti conservateur nuisent à sa capacité d’être une opposition efficace et crédible. Un nombre indéterminé de députés se méfient de leur chef parce que, durant la campagne, il a unilatéralement changé la position du parti sans consulter son caucus, notamment en ce qui regarde la taxe sur le carbone et l’interdiction des armes d’assaut.
Pis encore pour Erin O’Toole, un groupe de 15 à 30 députés et sénateurs conservateurs a décidé de lancer un « caucus des libertés civiles », prétextant que les Canadiens qui refusent de se faire vacciner ne reçoivent pas un traitement équitable. D’après la députée Marilyn Gladu qui s’en est érigée en porte-parole, perdre leur emploi est une violation de leurs droits. Elle refuse cependant de divulguer les noms des membres de son « caucus ». Au moins, elle a accepté de s’excuser d’avoir suggéré que la COVID-19 était moins dangereuse que la polio et qu’il existait de « multiples sources de données » sur le virus et les vaccins.
À cause des dissensions internes de son parti, Erin O’Toole a décidé d’exclure de son cabinet fantôme tous les députés qui ne sont pas d’accord avec sa décision d’admettre à la Chambre seuls les députés vaccinés.
C’est aussi à force de dissensions internes que le Parti vert est virtuellement disparu de la scène politique. Reconnu pour ses préoccupations écologistes, il est demeuré silencieux durant les deux semaines qu’a duré la COP26, la vingt-sixième conférence des Nations Unies sur le changement climatique. Suite à sa défaite personnelle, la chef Annamie Paul a non seulement démissionné mais elle a quitté le parti.
Uniques dans leur volonté d’appuyer le gouvernement minoritaire, le Nouveau Parti démocratique et son chef Jagmeet Singh, n’ayant rien à gagner en déclenchant des élections, tentent d’influencer le programme du gouvernement minoritaire en échange de leur appui. Mais loin d’être une tentative de « coalition » entre les libéraux et le NPD, cette tactique opportuniste reprend la pratique établie entre 1972 et 1974 lorsque le NPD a soutenu au cas par cas le gouvernement minoritaire de Pierre Trudeau.
Somme toute, aucun parti fédéraliste ne semble être en mesure d’opposer le programme que Justin Trudeau présentera au prochain Parlement. Et les Canadiens en paieront le prix, car il y a cette incontournable vérité que tout système démocratique dépend d’une opposition qui expose les faiblesses des propositions du gouvernement et qui l’oblige à rendre des comptes. Nous sommes tous perdants quand l’opposition ne joue pas pleinement son rôle légitime.